Ce qui fait la spécificité de l’historien Ivan Jablonka c’est son attachement à analyser notre monde contemporain à partir d’un des figures de l’époque étudiée.
Goldman n’est pas simplement l’étude de la biographie d’un chanteur devenu presque mythe. C’est une analyse en profondeur de ce que furent les générations des années 70/80. Mais, c’est aussi celle issue des juifs réfugiés de l’Europe de l’est, ce “Yiddishland”, comme l’appelle l’écrivain.
Essai à portée sociologique et historique, Ivan Jablonka démontre l’attachement profond du chanteur au travail bien accompli et à la défense des petits. Jean-Jacques Goldman est sorti de L’EDHEC et aurait dû devenir un cadre libéral offert au capitalisme délirant.
Une biographie, mais pas que…
Mais, par opposition à ce frère qui s’est brûlé les ailes, Ivan Jablonka affirme que Jean-Jacques Goldman fuit aussi les criards. Ce sont les représentants de la révolution “jet-septisée”, auquel il se tiendra toujours éloigné.
Comme il le fait à chaque fois, l’historien compare son milieu à celui du chanteur. Et de son 14 ème arrondissement natal à la banlieue de Montrouge des Golmann, il n’y a pas loin, retrouvant ainsi les accents de sa jeunesse bercée aux mêmes valeurs.
De plus, comme l’historien le développe, Jean-Jacques Goldman crée une nouvelle masculinité ouverte à la cause des droits des femmes.
La portée généraliste des chansons de Goldman
Mais, Ivan Jablonka analyse aussi la gauche française de l’après-guerre à l’après-mitterrandiste. La première est représentée par le père du chanteur, engagé communiste. Puis vient celle du frère, d’extrême gauche d’après soixante-huitard. Et, pour finir, celle pragmatique de Jean-Jacques qui reprendra à son compte l’engagement de Coluche, pour les Restos du cœur.
L’analyse des chansons des années 70, de celles qui deviendront les succès des années 80, permet à Ivan Jablonka de dégager plusieurs grands thèmes : le départ, le refus de la fatalité et la condition minoritaire.
Les tableaux, soit comparatifs pour illustrer le propos, soit exhaustifs pour synthétiser la notion démontrent, s’il le fallait encore, qu’on peut choisir un sujet léger encore faut-il le traiter sérieusement. Et toute la démarche scientifique s’applique à ce chanteur de ” soupe française ” comme le qualifieront les amateurs de rock’n’roll.
Une approche neuve
C’est le nom de Ivan Jablonka qui m’a entraînée vers ce livre. Plus Maxime Le Forestier que Jean-Jacques Goldman, je suis passée à côté de ce chanteur. Alors, comprendre la portée de ” Comme toi” et d’autres fut pour moi une révélation.
Ivan Jablonka avoue que vers 25 ans qu’il s’est intéressé à ce chanteur et que sa théorie des trois axes a suffisamment plu à sa femme pour qu’elle le lui rappelle aujourd’hui. Pour l’historien, les années Goldman ce sont aussi l’émergence “d’une conscience citoyenne au lieu d’une conscience de classe”.
Par contre, j’ai compris le mépris terrible dont il a fait l’objet. Et, courageusement, Ivan Jablonka en analyse les bases, les aspects et le mépris véhiculés. On comprend mieux les chroniques du journal Libé avant la sortie du livre retrouvant l’animosité des années 80.
Moins compréhensible, la réaction de Jean-Jacque Goldman qui, dans Le Figaro, ces derniers jours, vient de rappeler à ses fans que ce n’est pas une biographie qu’il a cautionnée. Ce point est clair dès le début de l’essai puisqu’Ivan Jablonka rappelle que Jean-Jacques Goldman n’a répondu à aucune de ses sollicitations.
Qu’importent les réactions du chanteur qui a choisi la discrétion depuis de nombreuses années, Ivan Jablonka signe un essai très riche dans un langage clair en produisant des analyses. Il décortique la sociologie historique des années 70 jusqu’au début des années 2010. De plus, la génération des émigrés de l’Europe de l’Est rappelle l’importance de l’assimilation entière et complète dans la société française.
Pas obliger d’être fan, juste d’être féru d’histoire contemporaine pour découvrir le nouvel essai de Ivan Jablonka, Goldman !
Suite de la chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2023/08/28/ivan-jabonka-goldman/