Gone, Baby Gone
7.8
Gone, Baby Gone

livre de Dennis Lehane (1998)

Avant tout, il me semble utile de conseiller la lecture des romans de la série Kenzie / Gennaro dans l'ordre, ou à tout le moins de lire en préalable le premier opus de la série, "Un dernier verre avant la guerre", qui permet de poser le cadre dans lequel évoluent les principaux personnages Je ne sais comment Ben Affleck s'est débrouillé dans son adaptation puisque je n'ai pas vu le film, mais pour bien entrer dans le livre, il faut avoir un peu digéré la nature tumultueuse des relations du couple de détectives privés et appréhendé la "sociogéographie" de Boston telle que décrite par Lehane.


Pour l'instant, ce roman est celui que j'ai préféré de la série. On y retrouve le savoir-faire de Lehane pour écrire un héros narrateur (tout est présenté en vue subjective, en temps que lecteurs, nous ne voyons de l'histoire racontée que ce qu'en voit ou apprend Patrick Kenzie) qui tout en marquant le livre de ses ressentis et émotions parvient à donner une vraie épaisseur aux autres personnages. Et même s'il pare son héroïne, Angie Gennaro, de presque toutes les qualités, il faut reconnaître qu'un des points forts de l'auteur est de mettre en scène des relations très fortes entre ses personnages masculins; empreintes de violence, d'adrénaline, d'alcool aussi, mais également d'empathie et même parfois d'une certaine tendresse.


Lehane est également habile pour trousser une enquête policière romanesque, alternant les phases un peu fastidieuses qu'il sait rendre intéressantes par la peinture sociale qui les accompagne et les moments haletants où on ne peut lâcher le bouquin. Il arrive assez bien à amener les retournements de situation même si, à force de le lire, on le voit venir. Il a aussi un goût qui peut être discutable pour dresser des portraits d'humains totalement dégénérés, profondément repoussants, qu'il prend manifestement plaisir à exécuter systématiquement. Mais il a, dans ce roman particulièrement, la capacité d'écrire des salauds attachants, des "méchants" qu'on pourrait aimer ou des "victimes" pathétiques, voire antipathiques.


Et c'est là que ce roman prend aux tripes. Prenant un objet au dessus de tout soupçon, "l'enfant", parangon de l'innocence fragile, il balance sans vraiment choisir entre une société qui a du mal à rendre vraiment justice aux enfants, fondée comme elle l'est sur la sacro-sainte famille biologique judéo-chrétienne (et peut-être partagée par d'autres religions, mais ce n'est pas le sujet) qui, bon an mal an, fait encore consensus et des individus qui, constatant que la sacralisation de la filiation biologique peut être complètement toxique, se prennent pour des justiciers au-dessus des lois au nom de l'intérêt supérieur des enfants qu'ils prétendent défendre mieux que d'autres.
Ça nous laisse écartelés (comme le couple héroïque) entre des criminels pour lesquels on voudrait tellement une rédemption tant ils sont, comme l'enfer, pavés de bonnes intentions et des défenseurs de l'ordre un peu désabusés, adeptes du "dura lex sed lex" qui permet de faire société.

kochfo
8
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le 18 août 2020

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