Les enfants, qui les aime et qui les mange ?
Pour la quatrième fois après « Un dernier verre avant la guerre », « Ténèbres, prenez-moi la main » et « Sacré », Dennis Lehane réunit Patrick Kenzie et Angela Gennaro dans « Gone, baby, gone ». On se demandera toujours qu'est-ce qui pousse les éditeurs francophones à vouloir à tout prix donner un titre à un roman étranger quitte à en sacrifier le sens premier. Ici, ce n'est pas le cas, il faut donc s'en féliciter.
Dans ce quatrième opus de leurs aventures, Patrick et Angela sont maintenant amants et se posent des questions sur leur avenir. Pas facile la vie de couple quand on est tous les deux des privés et que le risque fait partie du lot quotidien. Le risque de la balle perdue n'est pas forcément le pire qui puisse vous arriver. Ce que vous voyez peut tout aussi bien mettre à bas vos belles certitudes et détruire l'avenir radieux que vous envisagiez. C'est ce risque-là qui va prendre forme et décider à la place de nos deux héros.
Les disparitions d'enfants sont chose courante aux Etats-Unis. De la fugue à l'enlèvement le plus odieux, tout un panel existe et c'est dans ce contexte que vont évoluer Pat et Angie. Quand Amanda disparaît, ce sera Béatrice, la belle sœur de la mère de la petite qui prendra contact avec nos deux privés.
Hélène, la mère de l'enfant, s'avère être une créature dénuée de tout sens maternel. Pourtant le fait qu'elle boive, se drogue, ne l'empêche pas d'être mêlée au vol d'un butin à un chef de bande local. Vengeance ou simple enlèvement, les choses prennent une tournure qui va amener les deux privés à rencontrer des flics qui poursuivent cette enquête.
Même si le principe de la rançon n'est pas encore définitivement acquis, ils se lancent dans cette affaire sans savoir qu'il s'agit d'une manipulation d'une plus grande envergure qui va se révéler dans le dernier quart du bouquin. Bien sûr, des pédophiles se feront brillamment dessouder lors de cette enquête. Même si les méthodes de Patrick et d'Angéla sont souvent limites et les amènent parfois à faire leur justice dans leur coin, parfois la justice est la plus forte et peut créer de graves dissensions au sein de leur couple.
Les enfants n'appartiennent à personne et leurs vrais parents ne sont pas forcément ceux qui se contentent de les mettre au monde, mais ceux qui les aiment vraiment et feront d'eux des adultes entiers. Une fois encore Dennis Lehane nous livre ici un roman sans concession plein de doutes humains sur ce qui est le bien et ce qui est le mal. Tout en faisant exploser les frontières traditionnelles du manichéisme, il nous interroge sur ce qui est juste ou non, même si la justice et les lois ont parfois retenus des choix déviants. Un roman brillant.