Premier roman, Grande couronne s’intéresse à la prostitution des mineures avec, en toile de fonds, la banlieue parisienne des années 1990.
Roman remarqué de cette rentrée littéraire, Grande couronne a fait parler de lui : si le lecteur croit d’abord avoir affaire à un roman d’apprentissage, le livre tombe vite dans la chronique sociale d’une jeune fille qui se prostitue en banlieue parisienne. Car la narratrice est encore au collège lorsqu’elle rejoint le réseau Magritte : sur le parking des Orangers, elle va enchaîner les « zguègues ». Masturbations et fellations lui permettront d’acheter les vêtements et articles dont elle rêve.
Déjà bien perturbée (notamment lorsque sa première fois se solde par un viol), la narratrice doit continuer de lutter pour soutenir une famille qui part à vau-l’eau : le père a rencontré quelqu’un et quitte le domicile familial, la sœur décide de rejoindre son petit copain qui travaille au Club Med de Marbella. Restent une mère éplorée et deux frères en bas âge.
Le réseau transilien se construit, le « bug de l’an 2000 » inquiète et Toy Story 2 vient de sortir : voilà la fin des années 90. Cet entre-deux difficile de la banlieue est également bien rendu : n’appartement pas à Paris où elle veut aller à tout prix pour son stage de troisième, la narratrice n’est pas non plus une campagnarde. Les milieux sociaux se croisent, principalement issus de l’immigration (narratrice d’origine polonaise, des Portugais, des Asiatiques…). Et la narratrice d’évoluer au milieu de tout ça, d’essayer de se construire dans un monde malsain, cherchant sa voie professionnelle (hôtesse de l’air ou avocate) et sa sexualité via la découverte de la masturbation. « Grandir ce n’est pas simple, mais c’est encore plus dure quand on traverse des épreuves. »
La déception de Grande couronne provient malheureusement de son manque de fil conducteur. Si les descriptions fonctionnent et que certaines trouvailles de la narratrice font sourire, le lecteur peut être agacé par ce quotidien morne et parfois bien glauque.
« Pour faire passer le temps Chanelle ramenait les joints de son voisin Gran Turismo, même si le seul tourisme qui semblait désormais l’intéresser c’était l’exploration de son larynx. Ce type me dégoûtait parce qu’il profitait de Chanelle. Les zguègues aussi me dégoûtaient. La différence c’est qu’ils payaient pour en profiter. Quand j’achetais les singles du hit-parade je pensais à leur sexe baveux qui rentrait comme un escargot dans sa maison une fois leurs affaires terminées. Puis j’ai compris que Rico Ibiza pouvait me fournir en fumette et au lieu de m’acheter des polos j’ai commencé à m’acheter des boulettes. Pour le même prix il me donnait aussi les feuilles. »