Le livre s'ouvre en parfaite transition avec ce qui n'était pas dit dans la fin de l'arc Ardennes de Voyage au bout de la nuit. J'arrive immédiatement dans ce décor sublime de carcasses et d'horreurs, avec une phrase, d'apparence si naïve mais si touchante :
J'ai appris à faire de la musique, du sommeil, du pardon et, vous le voyez, de la belle littérature aussi, avec des petits morceaux d'horreur arrachés au bruit qui n'en finira jamais.
Depuis cette phrase, la moitié du bouquin est entre crochets. J'ai mis du temps à finir le bouquin parce que je suis un piètre lecteur, mais c'était une expérience incroyable. L'univers de Céline est unique, son style, encore plus. Je n'ai lu que Voyage au bout de la nuit à part Guerre, et je ne regrette pas d'avoir commencé par celui-là.
J'aime la manière dont il parle des êtres humains, avec cet anti-humanisme qu'on lui connaissait déjà dans Voyage au bout de la nuit, mais sans vraiment de vrai mépris. C'est difficile à expliquer finalement. Dans sa vision du siècle qu'il infuse sur le papier avec une telle profondeur et une telle fluidité, il distille à la fois horreur, dégoût et tendresse. La fin est douce amère, tout ce qu'il y a de plus banal au fond.
C'est aussi drôle, triste, incisif, les scènes sont toutes plus marquantes les unes que les autres. J'en ai oublié peu malgré ma lecture de 150 pages environ sur plus de 2 mois. A part les scènes répétitives à l'Hyperbole ou dans l'hôpital qui se recoupent, chaque chapitre, chaque scène à une valeur propre qui fait qu'on n'attend jamais de lire quelque chose de vrai. Tout est là, dès la première phrase quand on se saisit de ce livre. C'est un condensé en 150 pages d'une tonne d'émotions et d'images, et je regrette de n'être pas plus aguerri en lecture, parce que des fois j'avoue que l'argotique m'a forcé à aller vite, à lire sans comprendre chaque subtilité.
Bref, c'est sublime par cette horreur décrite, excitant, drôle et touchant. Un vrai désespoir au négatif, que demander de plus à une œuvre ?
Leodegar, le 16 juin 2023