Guerre sale
6.5
Guerre sale

livre de Dominique Sylvain (2011)

Florian Vidal, avocat spécialisé dans les contrats d’armement et les relations franco-africaines, a été assassiné de manière effroyable : brûlé vif aux abords d’une piscine, un pneu enflammé autour du cou, les mains menottées.
C’est l’Afrique en plein cœur de Colombes, patron. Les connaisseurs appellent ça le supplice du Père Lebrun. Une technique en vogue à Haïti du temps des tontons macoutes.
La coutume est sans doute née à Soweto où elle était, entre autres, la punition favorite pour les voleurs. Vous connaissez le cri de révolte de l’anti-apartheid radical ?
«Avec nos boîtes d'allumettes et nos pneus enflammés, nous libérerons ce pays.» L’une des phrases favorites de Winnie Mandela. Or, cinq ans auparavant, Toussaint Kidjo, l’assistant de Lola, de père français et de mère congolaise, avait été assassiné de la même façon.
C’est ce meurtre, jamais élucidé, qui avait conduit Lola à anticiper sa retraite.
Florian Vidal travaillait pour Richard Gratien, maillon fondamental de la Françafrique pour le secteur de l’armement.
Redoutable et froid, Mister Africa, souvent dans le collimateur de la justice française, s’était pris d’affection pour Florian qu’il avait engagé comme chauffeur.
Par la suite, il en avait fait un avocat réputé et riche et, avec les années, son fils adoptif. Pour Lola le lien entre les deux affaires ne fait aucun doute. Elle reprend alors son enquête mais empiète terriblement sur le travail du commandant en charge de l’affaire, fort sensible en raison des milieux qu’elle touche : la finance, la politique, les affaires étrangères, Sacha Duguin, ancien amant de son amie Ingrid avec qui il continue d’entretenir des rapports houleux…
Lola doit se rendre à l’évidence, seule elle ne pourra rien, l’ennemi est plus puissant qu’il en a l’air. Dans ce contexte difficile, quel rôle notre duo va-t-il bien pouvoir jouer ?
le contexte de ce roman est dur, noir et sans concession. Ceux qui s'attendent à un roman policier classique ne seront pas déçus, au sens où l'enquête avance au rythme des interrogatoires et des indices éparpillés ça et là, mais ils auront en plus ce contexte si particulier lié aux ventes d'armes. Arrêtez d'être naïfs, la fabrication d'armes est une activité importante dans le PNB des pays riches, et où il faut bien des intermédiaires qui ont les bonnes relations pour vendre plus et mieux. Dégueulasse, non ? Mais c'est la réalité !
Au-delà du contexte, le style est direct. Quel punch ! Quelle brutalité parfois ! J'ai vraiment été surpris au départ, tant les phrases sont directes, sans fioritures. Cela donne une force au propos, mais aussi une impression que l'on vous assène des coups de poing. C'est un style violent, direct, acéré, que j'ai trouvé très agréable à lire. Et bien que je l'aie lu dans une période où je n'aie pas eu beaucoup de temps à consacrer à la lecture, le livre me faisait des clins d'oeil quand je l'ouvrais.
Et puis, il a les personnages. Ils sont FORMIDABLES ! Il y a Sacha, enquêteur rigoureux et professionnel, poussé par sa hiérarchie, son chef qui fait partie des incorruptibles. Lola, fantastique femme que j'imagine de petite taille, toute en nerfs, en détermination, aidée en cela par le porto qu'elle boit comme du petit lait. Elle a un désir de résoudre cette affaire car c'est ce qui l'a poussée à démissionner, mais elle est aussi fidèle à Toussaint, son ancien ami, à qui elle veut donner une justice. Et puis, il y a Ingrid, cette américaine, qui est le trait d'humour de cette histoire, qui apprend le français en le parlant, se trompant toujours de mot quand elle utilise des expressions françaises.
Bien que ce roman ne soit pas leur première enquête, vous pouvez commencer celui-ci sans pour autant avoir lu les autres, puisque les informations nécessaires à comprendre les personnages sont distillées par petites touches au début du roman. Tout ce petit et complexe mélange fonctionne à plein régime. On a une impression de vitesse, d'urgence. Nos trois protagonistes tentent de surnager dans une piscine noire, cynique, inhumaine.

HenriMesquidaJr
8
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le 2 juin 2017

Critique lue 69 fois

HENRI MESQUIDA

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