Avez-vous lu Rage, de Stephen King (https://www.senscritique.com/livre/Rage/443428) ?
Signé sous le pseudonyme de Richard Bachman, ce livre est l'un des plus rares de l'auteur et pour cause : il a lui-même décidé de le retirer de la vente. Et pourquoi ça ?
L'histoire traite de la vie d'un adolescent tourmenté, qui, du jour au lendemain, décide de prendre sa classe en otage. Il s'en prend notamment à Ted Jones, le BCBG de l'école, le populaire que l'on connaît tous, et il arrive lentement à le faire passer pour le méchant de l'histoire aux yeux de la classe, cela jusqu'à l'inéluctable
suicide bleu, bref : s'arranger pour se faire abattre par la police.
Jusque là, rien d'incroyable. Un roman choc, brutal, traitant d'une jeunesse malmenée, dérangée, schizophrène. Mais là où l'histoire se gâte, c'est qu'après s'être écoulé à plusieurs milliers d'exemplaires, le livre refait surface en 1988, en Californie. Un lycéen, premier d'une longue série, prend sa classe en otage. Lui ne fera pas de morts, les suivants si...
Alors Guns n'est pas un mea culpa de l'auteur, au contraire. Il n'a pas eu à retirer le livre, il l'a fait de son plein gré car, je le cite,
On ne laisse pas un jerrycan d'essence à portée d'un enfant animé de tendances pyromanes.
Le livre n'était en effet pas l'épée de Damoclès qui s'est abattue sur la gueule de ces jeunes névrosés, mais il était sans doute un accélérateur efficace.
Non, Guns est plutôt une réflexion poussée sur l'Amérique des armes, l'influence de la NRA, le dialogue de sourds entre les démocrates et les républicains à ce sujet... Il s'agit aussi d'un incursion intéressante dans les liens qui lient la liberté artistique à la responsabilité morale de l'auteur, et une mise au point sur la pseudo culture de la violence américaine. Et finalement, l'esquisse de plusieurs solutions (proposées en 2013, lorsque le texte a été édité aux USA... elles paraissent bien vaines sous la présidence actuelle).
Bref, un essai court, saisissant, écrit avec la plume vive de notre auteur favori : Stephen King. Et d'ailleurs, quand on lit le regard pragmatique qu'il pose sur la société américaine actuelle, on ne peine pas à comprendre comment ses descriptions et ses histoires peuvent aussi souvent faire mouche... Et profitez-en : le magasine America (n°4) édite pour la première fois ce texte en français, illustré par de sympathiques dessins de Bruno Mangyoku... Bonne lecture !