Harlem quartet
8.3
Harlem quartet

livre de James Baldwin (1982)

Dire que j'ai aimé ce livre serait un euphémisme couard. James Baldwin, Cet auteur Afro-américain est tout sauf couard, soyons fidèles à lui, ce livre, Je l'ai ressenti dans ma chair, je l'ai vécu dans mes tripes, comme un long kaddish, comme un gospel sortant des ténèbres d'une église en flamme. Jimmy est amoureux de Arthur, qui était amoureux lui, avant, de Crunch avec qui il formait lui et d'autres coquins (Peanut, Julia, etc...) une bande de joyeux lurons dans le Harlem des années 1950. Beaucoup plus tard on apprend qu'Arthur, grand chanteur de gospel s'il en est, est mort dans une boîte toute pourrie de Londres. S'en suit le récit de son frère Hal qui raconte leur vie passée ensemble, tous ces personnages ayant des intrications somme toute assez violente, que ce soit au niveau sexuel, politique, identitaire, ou amoureux.

Des saillies profondes et parfois un peu équivoques parsèment le livre :

Personne ne sait jamais grand-chose de la vie de quelqu'un d'autre. Une ignorance qui devient frappante lorsqu'on aime cet autre. L'amour enflamme l'imagination et, finalement, le transforme en un matériau plus dur : l'imagination ne peut pas égaler l'amour, elle ne peut pas plonger aussi profond ni balayer aussi large

Parfois les saillies ont des atours de paroles de chansons (Aznavour) mais on ne se lasse pas de ces observations sagaces et fluides :

La jeunesse doit être la pire période dans la vie de quiconque. Tout arrive pour la première fois, ce qui signifie que le chagrin, alors, est éternel. Plus tard vous serez capable de voir qu'il y avait quelque chose de très beau dans ce chagrin. C'est parce que vous n'avez plus à le vivre.

Je ne me suis jamais senti réellement perdu par le fil de la narration ( aussi et surtout parce que la forme romanesque adoptée par Baldwin est très classique, moderne dans ses sujets mais classique dans sa forme, quelques italiques/monologues intérieurs Faulknérien ponctuent le texte qui est cependant pauvre en invention formelle), j'ai été parfois ennuyé par l'ambition un peu Dostoïevskienne de vouloir faire une grande fresque, avec ses longueurs et ses circonvolutions parfois inutiles.( Qu'apporte vraiment la rencontre avec Guy Lazare, même si je dois l'admettre ,le tableau que Baldwin peint est charmant et émouvant). Voilà pour les quelques points négatifs, je me permet de mettre un autre extrait que je trouve à la fois poétique et pictural :

Il n'avait jamais vraiment détesté la chambre jusqu'à aujourd'hui. Certaines nuits, lui et Crunch étaient restés étendus éveillés, fumant, avec pour seul éclairage la lueur de leurs cigarettes, et regardant les trains passer, heureux d'être ensemble et ne se souciant de rien d'autre. A présent le bonheur s'en allait, c'était tout ce qu'il savait : le bonheur se réenroulait comme un parchemin.

Parfois la lecture se fait insupportable, à certains passages quelques trigger warnings sont nécessaires, et souvent ces difficultés des sujets parfois compliqués ( inceste, sexualité outragée) sont contrebalancés par de réels moments de bonheur, et cette symphonie littéraire est tout à la fois éprouvante et enchanteresse, comme tous les livres qui me font vraiment voyager. Tous les personnages de Harlem Quartet sont de chair, de sang, d'encre et de fureur.

Debonnaire6
9
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le 12 déc. 2024

Critique lue 14 fois

Debonnaire6

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