Après avoir replongé dans la saga de mon enfance, l'heure est venue du bilan. Cette critique s'applique donc à la saga en général, c'est-à-dire les sept tomes des aventures de Harry Potter.
Et ben, malgré le recul, je trouve toujours cette série de livres très bien faite, habilement amenée, assez bien écrite, quoique maladroite - ou un peu naïve par moment mais c'est un livre pour enfant après tout, et extraordinairement cohérente (y a quelques petites anomalies ça-et-là, certes, mais c'est vraiment un travail rigoureux). Un autre point fort c'est l'évolution : de la concision et la simplicité du premier livre on passe à la complexité et à la noirceur de septième et dernier tome. Ce qui est un coup de maître c'est que cette évolution va de paire avec l'évolution du héros, qui grandit et des personnages plus généralement. L'histoire devient plus sombre en même temps que Harry découvre la dureté du monde. Il s'agit donc d'un vrai voyage initiatique. Le second point fort c'est que les lecteurs aussi ont grandi avec le héros. J'ai commencé à lire à 10-11 ans ce livre et j'en avais 16 quand la saga fut terminée. J'avais donc moi aussi mûri et m'attelait à lire des pavés toujours plus énormes et sombres. Je m'identifiais tant au héros que j'ai cru qu'il existait quelque part et que moi aussi je recevrais un jour ma lettre par hibou pour me rendre à Poudlard (les fans la première heure, comme moi, se reconnaitront je pense).
La saga trouve son succès dans des éléments simples : un contexte réel au tout début puis une plongée fulgurante dans un monde haut en couleur et fantastique, très détaillé et plausible. En 7 tomes, on a un peu près un aperçu complet de ce monde, allant de la préparation d'un philtre d'amour aux règles d'un match de Quidditch, en passant par les friandises de Bertie Crochue ou la cape d'invisibilité. Et chaque détail est assez savoureux, farfelu et burlesque. Le monde des sorciers devient alors le vrai monde, celui dans lequel on veut vivre, et la réalité, le monde des "moldus", notre monde, s'efface peu à peu.
Le personnage principal participe évidement de cette réussite : enfant orphelin et normal au début de l'aventure, il se révèle être un sorcier et l'un des plus célèbres pour avoir réussi à survivre au plus dangereux des ennemis, Voldemort. Justement, Voldemort, dont le nom et l'histoire sont terrifiants, à tel point que personne n'ose prononcer son nom. Les autres protagonistes sont tous réussis, souvent touchants et attachants comme les deux amis de Harry, Ron et Hermione, mais aussi les autres élèves de la classe de Poudlard (Neville, Ginny, les jumeaux Weasley, Drago Malefoy et les professeurs (Dumbledore, Rogue - le meilleur, Slughorn,..) et bien d'autres. La perception du monde des sorciers s'élargie au fil des tomes, comme la perception de Harry et bientôt on rencontre des sorciers d'autres pays, et même des sorciers français, héhé, sans parler des créatures étranges, d'autres espèces intelligentes comme les elfes ou les gobelins ; tout un monde inspiré par Tolkien, la mythologie européenne et scandinave (on a les sphinx, les phénix, les trolls, etc...) Le roman est au carrefour de plusieurs traditions littéraires anglosaxonnes : le roman d'héroic-fantasy, à la Lewis Caroll ou Tolkien, le roman d'apprentissage et le campus novel, genre littéraire qui se déroule dans une école ou une université.
Mais J.K. Rowling ne s'arrête pas là. En s'éloignant du sentier de la réalité, elle nous montre ô combien le monde des sorciers est semblable au notre et c'est pour cette raison qu'on s'y identifie. Le fantastique est un moyen détourné de parler de nous. Voldemort incarne le mal, met en place une politique de la terreur et reprends le pouvoir au terme de lutte avec les derniers sorciers résistants qu'il écarte au fur-et-à-mesure, soutenu par la cupidité et le racisme d'autres sorciers. On peut y voir une allusion au nazisme et au totalitarisme et à l'histoire européenne en général. On voit aussi les liens d'amitié et d'amour qui unissent les héros et les différents personnages. Il serait long de revenir dans tous les éléments qui contribuent à cette réussite. Bref, c'est un récit initiatique qui illustre bien la vie et qui je trouve ne prends pas les enfants pour des imbéciles, ni les adultes, nombreux à l'avoir lu. J.K. Rowling a réussi à éviter l'écueil du marketing et du succès en évitant de jouer sur le fan service. Elle gère d'une main de maître un univers fabuleux et une marque puissante sans tomber, pour l'instant, dans l'excès. Elle a réussi durant 7 tomes à prolonger la magie, en surprenant, en montrant aussi bien l'injustice que les bons côtés de ce monde des sorciers, finalement un monde profondément humain et similaire au nôtre.
Peut-être J.K. Rowling est-elle la vraie magicienne dans l'histoire. Elle a en tout cas fait de la sienne, un classique incontournable.