Je comprends qu’on s’attache à des livres comme les Harry Potter quand on a grandi avec. J’admets à la rigueur l’argument du goût de la lecture donné aux gamins, sachant qu’effectivement, c’est toujours mieux de lire n’importe quoi que de vendre du crack à la sortie des écoles. D’ici à voir dans Harry Potter à l’école des sorciers un grand livre, ou même un bon livre, faudrait pas pousser mémé dans le filet du diable (1).
Ça reste un livre pour les enfants. L’univers en est certes riche – quoiqu’il reste pour le moment un pot-pourri de contes, de mythologie et d’un peu d’Île du crâne –, mais l’est à peine plus aux yeux d’un adulte qu’à ceux d’un élève de CM2, à la différence d’Alice au pays des merveilles, par exemple. Notamment parce qu’en termes d’écriture, Harry Potter est aussi efficace que plat – je compte revenir là-dessus dans une critique d’un autre volume.
Dans le même ordre d’idées, les quelques dialogues à l’humour pince-sans-rire qu’on trouve çà et là ne seront peut-être pas du goût d’un lecteur de l’âge de Harry, mais demeurent à sa portée : « – J’oublie toujours la différence entre stalactite et stalagmite, cria Harry […]. / – Dans stalagmite, il y a un “m”, répondit Hagrid. » (p. 82 en poche) ou encore « Est-ce que je peux vous demander quelque chose ? / – C’est ce que tu viens de faire, mais tu peux recommencer, si tu veux » (p. 219).
Et puis tout de même, cette enquête policière… Je veux bien que les héros n’aient que onze ans, et que dans toute fiction d’aventures il faille un faisceau de circonstances pour que la quête soit accomplie. Mais même en tenant compte de cela, Harry Potter à l’école des sorciers en fait beaucoup, et on finit par se dire que de hasard en coïncidence, n’importe quels mômes en âge de distinguer un fou blanc d’une tour noire auraient réussi leur coup, pourvu qu’ils pussent compter sur la même chance que les trois héros.
Du coup, le principal intérêt du volume, c’est de poser un cadre et des thèmes.
(1) Et c’est là que si j’avais été d’humeur, cette critique se serait transformée en diatribe non contre le bouquin lui-même, qui reste honnête, ni même contre ses thuriféraires les plus forcenés, qui sont généralement honnêtes aussi, mais contre le degré d’infantilisation esthétique et sociale qu’il a fallu atteindre pour qu’un nombre non négligeable de lecteurs en arrivent à trouver J.K. Rowling littérairement meilleure que Dante ou Dostoïevski, tout en ayant dépassé l’âge de la majorité civique, parfois depuis plusieurs élections. Cette diatribe n’aura pas eu lieu.