Intriguée par une critique qui qualifiait le bouquin de «page turner», j'ai essayé... et c'était de la bouse. Je pense que la pièce était impressionnante à regarder à Londres à cause des décors, des costumes et des effets spéciaux. Mais soyons honnête, le scénario est débile et offrir cette pièce à la lecture sur papier en fait cruellement ressortir tous les défauts.
Ainsi donc (attention spoilers, mais sérieux, ne lisez pas ce bouquin si vous aimez Harry Potter...), le petit Albus Potter est envoyé à Serpentard comme il le craignait dans l'épilogue du 7e tome. Ainsi donc, c'est un enfant malheureux et solitaire, qui n'aime pas l'école, déteste le quidditch, supporte le poids de la célébrité paternelle sur ses épaules et troquerait volontiers son statut de "fils de" contre l'anonymat. C'est une bonne idée. J'ai envie de lire un tome 8 qui commencerait comme ça. Sauf que... Tout le reste est une vaste caricature.
Albus Potter est super pote avec Scorpius Malfoy, un môme adorable, gentil et drôle dont la rumeur dit qu'il serait le bébé caché de Voldemort parce que les parents Malfoy ne pouvaient pas avoir d'enfant alors ils ont utilisé un retourneur de temps pour se féconder avec le noble sperme du Seigneur des Ténèbres. Woké... Nos deux amis incompris et rejetés décident donc de se rendre utiles à la société en sauvant Cédric Diggory, encore à l'aide d'un retourneur de temps et avec les encouragements d'un nouveau personnage, sorte de Tonks 2.0 nommée Delphi. Ils retournent dans le passé trois fois, en changeant à chaque fois un détail qui fout un bordel pas possible dans le présent par effet papillon, et qu'ils essayent ensuite de réparer. Quand ils finissent enfin par tout arranger, REBONDISSEMENT ! En fait Delphi était très méchante et elle veut que Voldemort revienne au pouvoir. Pourquoi ? C'est marqué à l'encre invisible sur les murs de sa chambre : «Je vais faire renaître les Ténèbres. Je vais ramener mon père.» Parce qu'en fait, c'est pas Scorpius le bébé secret de Voldemort, c'est Delphi !!!
Bon. Voldemort, coucher avec une femme ? Sérieusement ? Vous n'avez juste rien compris à Voldemort, les gars. Ce n'est pas parce que Bellatrix est «amoureuse» de lui qu'une relation sexuelle est envisageable. Cette créature n'a pas de cœur, elle n'a presque plus d'âme, elle n'a pas de sentiments, pas d'instinct social, pas de relations avec les autres humains, pas d'envies, pas de désir, pas de relation normale avec son corps – c'est juste un outil qui l'aide à se déplacer, parler et tenir une baguette. Voldemort ne fait pas de bébés, ok ?
Harry Potter et l'enfant maudit fournit un fan service de base et de mauvaise qualité à un public qui connaît la saga par cœur. Il concentre en 300 petites pages tous les moments forts des sept tomes comme un best of amateur sur Youtube : le ship Ron/Hermione, la cicatrice qui fait mal, le fourchelang, le choixpeau, Mimi Geignarde, Snape le héros sacrifié, le patronus en forme de biche, Dumbledore aux sages conseils, la société secrète qui résiste aux Mangemorts, Crucio sur un enfant, Avada Kedavra sur un innocent, la succion d'âme par les détraqueurs, l'intrusion au ministère de la Magie en se faisant passer pour des employés avec du Polynectar... Tout, tout, tout, il y a tout. Rajoutons à cela les retours dans le passé pour revivre les épreuves du Tournoi des 3 sorciers, la scène finale à Grodric's Hollow la nuit où Voldy a tué James et Lily et les cauchemars de Harry où il revit des scènes clés comme l'arrivée de Hagrid en pleine tempête, et il en résulte que les idées nouvelles remplissent, au doigt mouillé, moins d'un quart de ce nouveau livre.
Au passage, la pièce sabote la cohérence de l'univers Harry Potter, patiemment ficelée en sept tomes. Ici, plus besoin d'attendre un mois, on peut fabriquer du Polynectar en un quart d'heure et c'est très pratique. Ici, les Retourneurs de temps permettent non plus de revivre les dernières heures écoulées, mais de remonter 22 ans fingers in the nose et de revenir dans le présent. Ici, les parents d'élèves débarquent à Poudlard tous les deux jours pour gronder leurs enfants ou demander à la directrice d'interférer dans leurs amitiés. Ici, deux gamins de 14 ans déjouent en deux minutes le stratagème inventé par Hermione Superbrainz Granger, la Ministre de la magie herself, pour protéger un objet très très très dangereux. Ici... bref.
Pour une fan fiction écrite par un pré-ado, ç'aurait été intéressant. Mais là, c'est pas possible.