Ecrire à propos de Nada. Voilà une tâche bien difficile. J'ai déjà écrit à Nada, et malgré ma timidité, cela a été bien plus simple que ce que je m'apprête à faire maintenant. Pourtant, il y a tout au fond de moi une petite voix qui m'intime de vous dire ce que je ressens vis-à-vis de ce roman.
Commençons par le commencement, Nada. Connu et reconnu comme étant l'un des pionnier du slam français, il a notamment officié au Club-Club dans les années 90 avant de fonder le collectif Spoke Orkestra aux côtés de D' de Kabal, Félix J et Franco Mannara. Courte biographie, point marquant, nous pourrions dire en quelques mots : ancien punk toxico passionné par Drieu La Rochelle, poète sulfureux à fleur de peau et amoureux du Troisième sexe. Thèmes de prédilection : ultra violence, mal être, déviances, drogue, prostitution, SIDA... Nada, c'est la boue et la poésie, la poésie de la boue, la poésie d'un fond d'égout, la poésie du dégoût. Et Nada poète ne peut pas laisser insensible.
J'ai beaucoup aimé Nada. Je l'ai écouté à m'en soûler, dans les albums de Spoke Orkestra, mais aussi sur son disque slam a capela Néant aux éditions Les belles lettres ; à m'en écœurer. Sa voix, seule,sale, nue, crue, sans filtre. J'ai aimé Nada, et c'est pour cela que ce qui va suivre m'est difficile à dire.
Fuyez à tout prix ses romans !
N'essayez pas de lire Nada.
Je ne vais pas revenir sur le résumé d'Hécatombe, l'autre critique et la quatrième de couverture font cela très bien. Non, nous allons directement aller dans le vif du sujet.
L'écriture d'abord. Putain ! quelle écriture ! La plume de Nada est belle. Elle est d'une justesse incroyable. Il y a quelque chose du lyrisme de Céline sans doute quelque chose qui tient aussi de Drieu, mais je n'ai pas encore franchi le pas de lire Drieu je ne peux donc pas le confirmer. C'est à la fois simple, juste, beau et parfaitement violent. C'est une écriture qui emporte. Et sans même t'en rendre compte, te voilà embarqué au fin fond de l'ignominie.
L'écriture de Nada est une écriture qui détruit, qui dévaste. Ce roman est un ogre qui ronge le cœur, qui bouffe la lumière, qui mastique tout espoir jusqu'à le digérer, le chier, le gerber. Je l'ai lu il y a presque dix ans, au moment de sa sortie. Dix ans après, ce roman me hante encore. L'Histoire, les scène dégueulasses se sont doucement effacées, mais il en reste la noirceur, une noirceur encore jamais vue. Il en reste le grand vide, le manque de sens. Une question comme un cri : POURQUOI ????
Pourquoi infliger cela à tes Lecteurs ? Pourquoi ? Pour quoi ?
Je crois très fort à l'Ecriture et la Lecture comme acte de transformation. Je crois que l'Historie est la fenêtre à travers laquelle se rencontrent Auteur et Lecteur. Je crois que l'Histoire possède l'incroyable force de créer un Nous, d'élever, de transporter. Je crois en l'Histoire comme en une fulgurance, une lumière vive.
Je crois en l'Histoire qui construit.
Et je crois que les Histoires qui détruisent sont un immense danger. Elles nous rappellent, nous ramènent sans cesse à la vacuité. Les Histoires qui détruisent nous attirent irrémédiablement pour nous plonger dans un mal-être, un malheur, un sentiment d'impuissance. Ces Histoires nous font du mal, consument à petit notre humanité, nous transforment en bêtes immondes. Et je crois aussi profondément que ces Histoires détruisent aussi leur Auteur. A l'image de l'acide sur la peau, elle s'étalent et le bouffent littéralement, cellule après cellule jusqu'à le détruire entièrement.
Mon cher, très cher, si cher Nada. Je souhaite profondément qu'un jour tu prennes conscience de ta responsabilité d'Auteur lorsque tu nous plonges dans les méandres de la violence inouïe, dans la noirceur inexorable. Je souhaite que tu prennes un jour conscience du pouvoir destructeur de tes mots. Et j'espère de toutes mes forces que tu ne souhaites pas cette destruction de tes lecteurs. En attendant ce moment-là, il est de ma responsabilité de Lectrice de ne pas te laisser faire et me taire. Il est de ma responsabilité de Lectrice de crier au monde (ou de manière plus réaliste aux deux pelés à l'unique tondus qui passeront ici) : fuyez les romans de Nada, la littérature du nihilisme n'est qu'un gouffre sans fond !