Hell’s Angels, c’est un des premiers livres de Hunter S. Thompson. Si je ne m’abuse, c’est le premier qui ait été publié, en tout cas. Pour faire bref, le principe du bouquin est celui-ci : après avoir pondu un article sur le gang de motards californien, Thompson décide tout bonnement d’aller vivre un an avec eux. Ce n’est pas anodin car les Hell’s Angels ne sont pas juste d’aimables bikers. Non, leur réputation dans le pays est épouvantable. La simple évocation de l’arrivée d’un groupe d’Angels dans une petite ville et voilà que ses habitants se calfeutrent chez eux tandis que la presse s’emballe et s’interroge sur l’étendue du désastre à venir. Partant de là, l’idée de Thompson est d’aller voir au cœur du problème, de le vivre à plein temps, et non pas de se contenter d’écrire de loin en relayant opportunément les peurs de la population.
Hell’s Angels est donc le récit de cette année étrange. Thompson y raconte son vécu aux côtés des Angels, du moins ceux par qui il a réussi à se faire accepter malgré la méfiance initiale qu’il leur inspirait. Etre ainsi plongé au cœur de l’action le mène, par ricochet, à comparer ce qu’il observe à ce qu’il lit dans les journaux sur le compte du gang. Constatant que bien peu de ses collègues se donnent la peine de vérifier leurs informations (exagérations, inexactitudes et simples bêtises étant légion), sa démarche consiste aussi à rétablir une forme de vérité. Toutefois, Thompson n’est pas tendre avec les Angels. Il ne semble pas y avoir d’autre volonté derrière ce livre que de se rapprocher au maximum de la réalité, qu’elle soit classe ou crasse. Oui, les Angels qu’il a côtoyés au milieu des années soixante sont libres mais leur quotidien n’en reste pas moins violent et finalement assez triste. Leur tendance à régler presque systématiquement leurs différends à coups de barre de fer ne m’a pas non plus donné une folle envie de m’en faire des potes.
Thompson va aussi plus loin en tentant de comprendre comment un tel phénomène a pu émerger, donnant une certaine dimension sociologique au bouquin. Au fait, faut-il préciser que, même traduit, son style d’écriture est souvent jubilatoire ? Ce n’est pas pour rien que Hunter est perçu comme l’inventeur du genre « gonzo » (qu’il l’ait inventé ou juste popularisé ne change rien, le fait est que son nom y est immanquablement associé). La version française comporte bien quelques coquilles déroutantes mais sans gravité (je ne sais pas s’il en va de même de la version originale cela dit). Au final, je me dois de crier une fois encore mon admiration devant ce genre de travail jusqu’au-boutiste, qu’il soit du fait de Thompson ou d’autres journalistes, chercheurs ou autres aventuriers.
Est-il besoin d’ajouter que ça mérite d’être lu ?