"Quand tu débarques dans un lieu public, faut scandaliser le bon peuple (…). Faut faire une apparition répugnante. On est des vrais parias, rejetés de la société. Et c’est ce qu’on veux être. Tout ce qui est valable pour eux ne peut pas l’être pour nous. Le monde ne veux pas de nous et nous on veux pas de lui. Pour les gens on est la lie de la terre."

Convié en 1965 par le redac chef de The Nation à écrire un article sur les Hell’s Angels de Californie, Hunter S. Thompson s’immerge totalement dans le sujet et fini par passer un an avec les bikers légendaires, créant au passage le journalisme dit “gonzo”, journalisme totalement impliqué, totalement subjectif, vécu et expérimenté (prise de drogues, cuites avec les sujets…), narré à la première personne.

Grosses motos et croix gammés, crasse et violence, dépravations en tout genre, blases terrifiants (Terry le Clodo, Charly La Décharge…), le Hell’s Angel scandalise l’Amérique des années soixante, l’Amérique proprette, celle qui accueille les Beatles en héros… Scandale basé bien plus sur le fantasme, les articles de journaux et le fameux rapport Lynch (sénateur de Californie qui a fait des Angels sa cible numéro un) que sur des faits réels. En juste retour des choses la peur et la fascination rendent les voyous motorisés de plus en plus populaires, leurs rangs grossissent, les gauchos de la fac de Berkley voient en eux de vrais rebelles et Allen Ginsberg ou Ken Kesey s’arrachent leur compagnie. En quelques mois seulement ils deviennent les nouveaux héros de l’Amérique, LES mecs cool et se font rattraper par leur image…

Au delà du simple reportage sur un gang, Thompson dresse le portrait d’un rêve américain dysfonctionnant, fantasmant sur ses losers assumés et arrogants, ceux qui osent être libres et n’en faire qu’à leur tête, malgré le rejet, malgré la violence, malgré la prison et toutes les contraintes que la liberté impose. Démonte aussi au passage le journalisme de l’époque (qui n’a pas changé) qui joue le jeu du gouvernement et tente d’imposer de faux ennemies au peuple… On retrouve au final une galerie de personnages à la fois attachants et pathétiques, prêts à tout pour ne pas se conformer, pour ne pas faire partie de la masse, quitte à y laisser sa peau, quitte à adopter des codes encore plus totalitaires (mais assumés) que ceux de la norme (rites de passage, respect total du chef etc). Seuls contre tous, unis face à un monde pas franchement intéressant. Quitte à être rejeté autant l’être complètement et en tirer le meilleur partit possible. « Ouais, j’suis peut-être un perdant… Mais t’as devant toi un perdant qui va foutre une sacrée merde avant de quitter cette terre. »
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le 16 sept. 2013

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