Savez-vous que les événements de la journée du 27 mai 1942 ont renversé le cours de l’Histoire ? Deux hommes ont tenté d’assassiner en plein jour, à Prague, Reinhard Heydrich, haut fonctionnaire nazi. Comment ? Pourquoi ? Laurent Binet, en maniaque passionné, remonte le fil de cette journée et revient des années en arrière : qui est Reinhard Heydrich ? Quelle est l’histoire des deux parachutistes dépêchés depuis Londres pour mener à bien cette opération ? Pourquoi leur mitraillette s’est enrayée alors qu’ils l’avaient en ligne de mire ? Quel est le salaud qui les aura balancés ?
« Le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich », soit en allemand HHhH : le surnom donné par les SS à celui qui fut jadis un petit garçon moqué par ses camarades de classe et qui deviendra l’homme le plus craint du régime nazi. Le livre se lit comme une montée en tension inévitable. L’auteur retarde le plus possible la description du moment de l’attentat, et il l’admet lui-même. Oui car Laurent Binet nous parle, dans son livre. Il nous raconte comment il a pour la première fois entendu parler de cette vague histoire d’attentat. Puis comment il a soudoyé une petite mamie qui gardait un musée désert à Prague pour récupérer des notes détaillées des événements. Ses recherches lui prendront des années tandis qu’il retrace, minutieusement, la vie des différents protagonistes. Notamment celle de Jozef Gabčík et Jan Kubiš, missionnés par leur gouvernement en exil de frapper un grand coup à Prague et gagner la reconnaissance de Londres.
Il se trouve que Heydrich meurt à la fin. Mais cette fin inéluctable arrive presque comme une surprise tant la tension gagne un cran à chaque page. On vit la préparation côté tchécoslovaque, et la machine de guerre insouciante côté nazi. Si vous avez vu le film Argo, c’est la même chose : on sait comment ça finit, mais on ne peut pas s’empêcher de stresser tout du long. Mon seul regret réside dans le style parfois trop personnel de Binet. Clairement, il nous invite dans son livre, on est chez lui, et il nous le fait parfois un peu trop ressentir. C’est tantôt amusant (il revient sur des décisions ou des descriptions pour changer tel ou tel aspect), tantôt gênant (sur la fin il écrit une ligne par jour tellement la pression est forte pour lui… ok mec). Bref, malgré cela, un vrai morceau d’histoire comme on en lit peu, haletant et documenté au possible, sans jamais tomber dans la simplicité ni l’ennui : à lire absolument ! Surtout quand on sait que quelques jours plus tard, Heydrich devait prendre de nouvelles fonctions… à Paris.