Histoire de culte et Lettre de l’Homme à la Femme sont deux nouvelles de Dominique Maes, rassemblées au sein d’un petit livre rouge de 92 pages, paru aux éditions Murmures des soirs en 2012. Devons nous y voir un pied de nez à l’autre petit livre rouge, ouvrage le plus vendu après la Bible ? Peut-être.
Écrit à la troisième personne du singulier, Histoire de culte narre à la manière des contes philosophiques la fabuleuse histoire de Sidonie. Dès sa naissance, son entourage tombe en adoration devant son postérieur et « […] s’en remettent à Dieu pour tant de beauté ». Sainte Sidonie est née. S’ensuit une initiation à l’érotisme et à la jouissance via différentes péripéties à travers lesquelles, les dévots seront de plus en plus nombreux. La rencontre avec Vincent, figure de l’apôtre proxénète, fera du cul de Sidonie, objet particulier, un objet du désir et une icône se généralisant à l’échelle mondiale.
Beaucoup moins prometteur tant sur le style que sur le fond, Lettre de l’Homme à la Femme exploite avec beaucoup d’hésitations la complexité des rapports entre l’Homme et la Femme depuis le commencement. Écrit dans le registre épistolaire, ce texte pourrait navrer les lecteurs enthousiastes de la première nouvelle.
Dominique Maes (Belgique, 1957) a une œuvre multiple. A la fois, illustrateur, musicien et écrivain, il nous livre avec Histoire de culte, une nouvelle qui proclame le vivant et qui questionne la notion de désir dans notre société actuelle. Sa rencontre avec la psychanalyse semble avoir laissé beaucoup de traces dans son approche de l’écriture et pourrait déstabiliser le lecteur non averti. Effectivement, sa méfiance à l’égard des mots depuis son enfance et du langage des adultes, l’a poussé à inventer son propre langage. Dès lors, son style littéraire ne serait-il pas un moyen de retrouver une forme de paradis perdu ?
Histoire de culte est un livre de plaisir et dévoile quelques petites merveilles littéraires qu’il est de plus en plus rare de rencontrer, comme lorsque l’auteur interrompt son récit et invite le lecteur à imaginer les faits. Ce hors champ de la lecture suppose que l’imagination du lecteur soit active et n’est pas sans rappeler la pratique artistique de D. Maes. Son approche littéraire engage intelligemment le rapport entre la jouissance et le regard, si bien que la révélation du cul de Sidonie éveille non seulement du désir mais suscite aussi plaisir et jouissance à ceux qui le contemple.
Roland Barthes, dans son fameux essai Le plaisir du texte (1973), remarquait judicieusement que la notion de plaisir était futilisée voire censurée par l’opinion courante. Le texte de D. Maes est justement un hymne au plaisir et semble questionner le concept du bonheur à certains endroits.
Toutefois, l’usage abusif de la métaphore pourrait susciter une lecture parfois pénible. Les seins se transformant en citrons, les fesses en pistolets ou encore « le parfum spermatique des marronniers ». A contrario, cette nouvelle est magistralement structurée telle une genèse et l’usage de la parabole est utilisé avec beaucoup d’humour.
Le lecteur pourrait s’interroger à juste titre si l’auteur considère le désir comme un miracle dans notre société contemporaine, d’autant plus qu’il se définit comme un « pessimiste joyeux ». En effet, il est nécessaire de contempler la beauté tant qu’il est encore temps. Si une paire de fesses est à ce point un « […] astre joufflu qui semblait irradier sa propre lumière », allons-y gaiement.
Clément Montagne