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Élie Faure est incontestablement un excellent historien de l'art et un virtuose en expression écrite. Ceci dit, cela ne fait pas de son livre Histoire de l'art. L'art renaissant, une référence sur le sujet (ô combien vaste) car paradoxalement, cet ouvrage est complexe à lire pour les néophytes ou pour les confirmés et qu'il est plutôt ancien (1914-1923) pour les connaissances qu'il prétend mettre à la disposition du commun des mortels. Au début du XXe siècle, et c'est valable pour n'importe quelle discipline, on ne fait pas de l'histoire de l'art comme aujourd'hui. En effet, l'auteur nous gratifie en permanence de jugements personnels à valeur scientifiques. Un lecteur intelligent, sachant cela peut toujours apprécier l'ouvrage mais c'est difficile de lire régulièrement des jugements de valeur, on n'a plus l'habitude. Ensuite, l'historien ne fourni absolument aucune date. Même si c'est volontaire, je me mets à la place du lecteur qui vient d'acheter son livre espérant apprendre de nouvelles choses sur le thème : il va vite déchanter. De plus, l'écriture est ancienne et magnifique certes, mais ce n'est pas à la portée de tout le monde de lire des digressions de 5 pages pour parler de la force et de la superbe de la peinture vénitienne ou florentine. Élie Faure a une superbe plume qu'il met au service de la discipline (on est loin d'une écriture austère et pseudo-scientifique) mais ce n'est pas facile de le suivre dans ses démonstrations (moi le premier). Partir d'un tableau à l'iconographie nouvelle pour arriver au pâtes à la Carbonara que mangeait Titien au déjeuner, c'est chaud du slip. Je caricature, pardonnez-moi, mais on n'est pas si loin de la réalité, vous verrez.
En revanche, on appréciera à sa juste valeur la grande nouveauté, pour l'époque, qu’inclut cet ouvrage dans le milieu du livre : l'essai d'histoire de l'art illustré des tableaux commentés. Un régal pour les yeux, cela permet de rendre la lecture un peu plus ludique mais surtout, permet de confronter la théorie au visuel et c'est très important pour la discipline.
Aux édition Folio, le livre nous permet d'entrer en matière avec les deux préfaces de l'auteur, celle rédigée en 1914 puis celle écrite en 1923. Elles ont toute les deux leur importance, l'auteur a parfois radicalement changé d'opinion sur des sujets précis ou des artistes, plutôt édifiant. Le livre est, classiquement, découpé en plusieurs chapitres qui délimitent des zones géographiques et donc un style artistique et un contexte différent pour la peinture : Florence, Rome, Venise, France et pays Flamands, Allemagne... Passionnant, vous pourrez croiser Michel-Ange, Raphaël, Corrège, Titien, Tintoret, Dürer, Van Eyck, Breughel etc.
Comme je vous le disais Élie Faure a une fâcheuse habitude de parler des artistes sans forcément parler de leurs œuvres mais en relatant de manière très subjective l'histoire et le contexte dans lequel ils évoluent. Exemple : l'Allemagne n'a pas d'histoire ou d'unité réelle avant le XIXe siècle voire le XXe siècle, alors c'est pour cette raison que la peinture de Dürer est si précise et qu'elle s'abrutie à représenter le détail sans donner d'unité à la composition même si l'harmonie d'ensemble paraît cohérente. VOILÀ !! Bon appétit ! Évidemment je schématise un peu, l'auteur le raconte bien mieux que moi sur un plus grand nombre de pages mais on a ce genre de démonstration pendant des plombes et lorsqu'il s'échine à nous démontrer que la peinture de Dürer ne vaudra jamais celle de Titien à la même époque, il oublie de parler des œuvres, des tableaux, des gravures bref, du concret quoi !!!
Le très bon dossier écrit par Martine Chatelain-Courtois en fin d'ouvrage est très intéressant car il explique la méthode de travail de l'historien tout comme l'évolution de sa vision de la peinture à la Renaissance. Voici un extrait révélateur :



Peu de faits, point de dates [...] L'anecdote n'apparaît jamais. Des innombrables personnages (ndlr : les peintres) qui défilent devant nos yeux, nous ne connaissons que l'esprit, nous ne nous intéressons qu'au cœur. Ce ne sont pas eux qui sont au premier plan : ils ne sont jamais envisagés que comme les acteurs d'un grand drame [...] n'ayant lui, ni commencement ni fin.



Il est vrai que j'ai mis une note assez sévère pour un ouvrage qui n'est pas répugnant à lire mais il faut sanctionner une entreprise qui n'a plus autant de pertinence aujourd'hui. L'histoire de l'art a beaucoup changé en un siècle et je tente de me mettre à la place du néophyte d'aujourd'hui qui tenterait d'apprendre l'art renaissant avec monsieur Faure et la conclusion est sans appel : avec cet ouvrage, il ne comprendrait rien ou pas grand chose, enfin, s'il parvient à le finir car l'écriture est complexe. Bref, dans un monde où tout doit forcément être ludique est simple d'accès Élie Faure est aux fraises ! Je confesse que c'est un jugement rétrospectif sur une oeuvre qui s’inscrit parfaitement dans le contexte du début du XXe siècle et qui a même le culot d'introniser une nouvelle manière de lire en illustrant les pages de texte avec des tableaux. Et pour me faire pardonner, je vous offre chers lecteurs un extrait magnifique qui relate ce que doit être la composition d'un tableau dans la peinture occidentale :



La "composition", c'est l'introduction de l'ordre intellectuel dans le chaos des sensations. La composition est nécessaire. Mais la composition est personnelle. Elle n'appartient qu'à l'artiste capable, par ses seuls moyens, de découvrir dans la nature quelques directions essentielles qui lui révèlent la loi de son mouvement général. Si la composition n'exprime une unité vivante des formes, de couleurs et de sentiments, elle est un vêtement désuet qui ne recouvre rien. Un fruit, un verre, n'importe quel morceau vivant, ou rien, deux tons harmonieusement rapprochés, prennent une valeur éternelle à côté du grand tableau "bien composé" qui n'exprime aucune intimité entre celui qui l'a conçu et le monde inépuisable des sensations et des idées. p.161



Je recommande pour les vétérans, néophytes et cerveaux légers, passez votre chemin.

silaxe
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le 9 févr. 2016

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silaxe

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