John Keegan est un chercheur qui place l'expérience de la guerre avant la connaissance livresque. Il juge donc à cette aune les très nombreuses références qu'il cite, avec un goût pour la provocation à l'égard des anthropologues, des conservateurs de musée ou des stratèges de cabinet (ses cibles favorites). On y retrouve l'accent, chez celui qui fut le théoricien du "visage de la bataille", pour l'expérience du combat, la restitution en situation de l'expérience du soldat (par exemple l'effet psychologique que l'on ressent au sein d'un groupe de cavaliers).
Hélas ne vous attendez pas à une présentation chronologique de la guerre. Ce livre représente ce qu'on peut faire de pire en termes de forme dans la tradition de l'essay à l'anglo-saxonne. Ne vous attendez pas à trois parties, trois sous-parties et un plan chronologico-thématique : Keegan ne sait pas faire un plan, et vous aurez souvent l'impression de suivre une collection de monographies sur la guerre mises bout à bout. Vous passerez donc, en quelques pages, de la guerre sur l'île de Pâques au développement des samouraïs, et bonne chance pour trouver le fil conducteur.
Et c'est dommage, car l'ouvrage compte énormément de pépites au vu de l'étendue des connaissances de l'auteur et de sa vision indéniablement personnelle et originale. Il faudra donc chercher les paillettes d'or dans le torrent par vous-même. Ce livre serait un classique incontournable s'il prétendait pouvoir offrir un tableau de l'évolution de la guerre à travers les âges. On se sent aussi perdu qu'un hoplite grec au milieu d'une manipule romaine.