« Je ne sais pas si mon livre est voyeuriste, exhibitionniste, nombriliste, ou n'importe lequel des mots qui accusent la vérité. » page 34
Arthur Dreyfus est des jeunes auteurs à suivre en ce début de siècle. Ses deux premiers romans, La synthèse du camphre (lire ici) et Belle Famille (lire ici) étaient plein de promesses, c'est donc avec joie que j'ai accueilli la parution de son troisième roman chez Gallimard, qu'il annonçait comme l'histoire de sa sexualité jusqu'à l'adolescence, parce qu'après ça ne compte plus. Une succession de souvenirs pour raconter ce qui habituellement ne se dit pas.
Dans la lignée des souvenirs d'enfance de tout auteur Gallimard qui se respecte, Histoire de ma sexualité avait le mérite d'aborder l'enfance sous un angle pour le moins nouveau. Mais finalement, à trop vouloir raconter comme les choses lui viennent, l'auteur s'encombre de bien trop de choses. D'abord, vous connaîtrez sa sexualité de A à Z de l'enfance à ses vingt-sept ans, je vous en passe les détails (lui qui parle à plusieurs reprises des mères qui lisent les ouvrages de leur fils, je doute que cela intéresse beaucoup la sienne). Ensuite, il s'agit finalement d'un recueil de souvenirs, d'aphorismes, de pensées, de scènes de vie de tout bord.
Ses amis, nommés dans le roman Mode, Ange, Fou d'enfance, Travesti, Carioca ou encore Empathie, feront office de compagnons de voyage puisqu'il sont présents, chacun à leur manière, tout au long du livre, où vous en apprendrez de belles sur les goûts sexuels, sentimentaux, littéraires, philosophiques d'Arthur Dreyfus, sur la vie, la mort et le souvenir d'un point de vue général.
En sautant une ligne, vous changerez de sujet, passant d'un « Lorsqu'il regagne sa chambre après avoir passé un quart d'heure dans le jardin à observer le ciel, il dit « Je reviens des étoiles. » » (qui ? On ne le saura pas) à un « Matelot : « Quand les hétéros regardent du porno, ils se branlent devant des chattes et des bites. C'est douteux : un vrai pédé n'arrive pas à bander s'il aperçoit un vagin. » » comme d'une pub « Haribo, c'est beau la vie ! Pour les grands et les petits ! » à une pub pour les balais Swiffer.
Vous saurez quand le jeune Arthur s'est branlé pour la première fois, vous saurez avec qui couchent ses amis, vous saurez qu'untel lui a fait très mal, mais qu'il était très beau. Vous saurez aussi que « Nez a voté Sarkozy aux dernières élections, Hollande ensuite et Robert Hue en 2002. Je crois qu'il n'a pas tellement d'idées politiques : du moment qu'il se fait baiser, il est content. »
Vous découvrirez également l'accablante description de Lyon qui, mon cher Arthur Dreyfus, n'est pas la deuxième ville de France, ni page 92, ni page 119, car Marseille compte près du double d'habitants (désolé pour cet aparté, mais on ne renie pas facilement ses origines quand on vient du sud). Le passage sur Lyon, de la page 91 à la page 95, est d'ailleurs certainement le meilleur exemple de la qualité d'écriture de l'auteur. Si elle a quelques fois tendance à être trop travaillée, maniérée, à la manière d'un Philippe Besson (les « Ici, il faut mentionner », les « Dire (ceci). » ou « Écrire (cela). », etc.), on ne peut passer outre la plume remarquable d'Arthur Dreyfus. Fluide et complexe à la fois, elle fait preuve d'une richesse étonnante pour son âge.
C'est, pour moi, ce qui a sauvé cette Histoire de ma sexualité un peu décevante. Non pas que je m'attendais à des détails croustillants sur la sexualité enfantine d'un homosexuel (certains détails, loin de me choquer, m'ont d'ailleurs gêné dans un livre de littérature non érotique : qu'en a-t-on ici à faire du fist fucking ?). Mais je ne m'attendais toutefois pas à lire une somme de considérations philosophiques, littéraires et sexuelles. Pour la première fois, je me suis ennuyé en lisant un livre d'Arthur Dreyfus. J'irai même plus loin : je ne vois pas bien l'intérêt de ce « roman » et le public susceptible de le lire. Alors, me direz-vous, il faut écrire pour le plaisir avant tout. Certes, mais je regrette de n'avoir pas partagé son plaisir une fois de plus.