S'il y a encore quelques années, voire quelques mois, quelques semaines l'on m'avait dit que je me mettrais à lire des truc contemporains je ne l'aurais pas cru... et j'aurais encore moins cru que j'apprécierais. Mais après les excellents passages de Bégaudeau sur RT (comme quoi ça fait vendre des livres), j'avais vraiment envie de le lire son bouquin.
Je l'aime beaucoup Bégaudeau, au cercle sur Canal il était mon préféré (avec un ou deux autres), toujours calme, toujours pertinent, toujours clair, toujours argumenté... J'ai lu La blessure la vraie et c'était vraiment bien (surtout le début, la fin un peu moins). Mais clairement dès qu'il apparaît dans le paysage médiatique il taille, il fait mal et c'est juste jubilatoire. Bon il se fait sans doute détester à cause de ça également.
Et son bouquin il l'a très bien vendu sur RT, mais il est surtout très bien. Ce n'est pas un chef d’œuvre, mais moi ça m'a éclaté, je me suis mis à corner plein de pages de mon livre numérique pour pouvoir retrouver un maximum des bons mots du bouquin.
Bégaudeau fait ici une description du bourgeois et je dois dire qu'il est sacrément juste, tellement juste que je ne me suis pas reconnu dans la description du bourgeois, mais dans le discours de Bégaudeau. Il dit des choses que j'ai dites et redites, notamment sur le grand cirque du progrès, des « avancées » sociétales qui sont juste là pour cacher la lutte des classes. Des femmes au CAC 40, mais je m'en fous... ça ne changera rien à la politique appliquée, la politique bourgeoise favorisant la bourgeoisie.
Et j'ai été surpris de lire ce genre d'idées de la part de quelqu'un qui se revendique de « gauche », enfin quelqu'un qui ne tombe pas dans le piège, ou plutôt devrais-je dire l'épouvantail, la diversion tendue par la bourgeoise visant à remplacer la lutte de classe. La question n'est pas celle de la discrimination raciale, mais celle de la discrimination sociale. On ouvre toutes les portes à un Émir... la bourgeoisie se reconnaît entre elle, comme chez Renoir, comme chez Marivaux.
Et puis il se prend même à parler de cinéma, de voir que les bourgeois ne parlent pas d'une chambre en ville chez Demy, pourquoi ? trop politique, trop dans la lutte sociale... chez les bourgeois on préfère les nuits de la pleine Lune pour son fantasme de la bourgeoise à un conte d’Été... et il va même prendre la défense de la vie d'Adèle (il adore Kechiche tout comme moi) en rétorquant que Kechiche montre les bourgeois tels qu'ils sont...
Je dois dire que j'ai jubilé lorsqu'il s'attaque, pour les mêmes raisons que moi, à ce navet qu'est le Redoutable, où un petit bourgeois se plaint que Godard justement ne fait plus des films que les petits bourgeois peuvent apprécier. Quel faquin ce Hazanabidus.
Alors bien sûr politiquement je ne suis pas d'accord sur tout, il est sans doute malgré tout plus porté féminisme que moi... Mais il reste néanmoins que j'ai lu dans ce bouquin la seule critique de Zemmour intéressante. Il n'est pas là à hurler avec les loups en disant que Zemmour est un fasciste, mais au contraire il salue le fait qu'il reconnaisse l'existence de classes, tout en déplorant que malheureusement Zemmour s'en sert juste pour justifier sa vision de la France. Je suis sans doute plus nationaliste que Bégaudeau, mais la critique se tient. Zemmour ne va pas soutenir les luttes sociales.
Bref Bégaudeau est brillant et je pense que portrait qu'il dresse de la bourgeoisie doit être assez irritant pour certains... sans doute car il est assez piquant et juste. Malheureusement ça ne fera sans doute pas date dans l'Histoire de la littérature, trop actuel, trop référencé, il faut connaître l'auteur pour bien comprendre certaines références, mais rien que pour l'exercice de renvoyer les bourgeois à leur propre bêtise, ça vaut le détour.