Ces mots du titre ne sont pas de moi, mais une combinaison du compte-rendu de la NRCO ("Condensé, riche et essentiel") et de la critique très enthousiaste de Frédéric Merle, le dernier journaliste valable du Berry, obligé, hélas! le pauvre, de bosser pour un canard analphabète - et ridiculement macroneux - qui orthographie "Gaulois" avec deux L!
Merle touche juste. C'est exactement l'impression qu'on retire de ce livre qui, malgré son format de Que sais-je? (à peine un peu plus grand, à peine un peu plus long), révolutionne les connaissances sur le Berry, démolit l'imagerie d'Epinal de l'historiographie louis-philipparde élaborée à des fins idéologiques par Guizot qui faisait de Jacques Coeur un génie de la finance (alors que c'est seulement le Bernard Tapie de l'époque), mais réhabilite en revanche Charles VII qu'on avait l'habitude de voir présenté comme une larve, alors que, conscient de sa grande faiblesse numérique et financière, il avait adopté "l'agir sans agir", instrumentalisant pour la cause royale ceux qui venaient à lui en espérant le manipuler pour en retirer un profit personnel.
Tout est passionnant, de l'Antiquité gallo-romaine révisée sur laquelle le livre fait un point inédit (le siège de Bourges, la religion des Gaulois Bituriges, etc.) jusqu'à cet étrange évêque terroriste, Pierre-Anastase Torné. Mais ce qui retient le plus l'attention, à cause peut-être de la cadence épique de la narration, c'est le Moyen Âge tardif. La Guerre de Cent Ans, où l'on découvre l'Archiprêtre, féroce et rusé capitaine de grandes compagnies, le surprenant Jean de Berry dont l'auteur fait une analyse psychologique à la fois subtile et forte, étonnante et convaincante, Charles VII, Jacques Coeur, son procès, sa fin mystérieuse, Jeanne d'Arc, ces Ecossais du Berry, compagnons de Jeanne et aventuriers de l'Auld Alliance qui se rangent sous les ordres du roi en exil: quel extraordinaire tableau aux ombres fantastiques, vivant, haletant, dont le récit traverse en cavalcade le Berry comme le Prince Noir, une torche incendiaire à la main!
On en ressort, exactement comme le dit Frédéric Merle, avec le sentiment d'avoir lu 1200 pages. C'est un grand livre. Mais "coincé dans un petit volume". Sans doute l'éditeur aurait dû accorder à l'auteur plus de place, car on sent derrière chaque page un immense travail de recherche qui ne demandait qu'à s'exprimer plus largement - c'est un peu comme un teaser, et l'on ne peut s'empêcher d'éprouver un sentiment de frustration, quelquefois, quand proprement emballé par la narration, on bute sur une fin de chapitre abrupte: la suite, bon Dieu! la suite!