Plus c'est étrange, mieux c'est.
Les Histoires Extraordinaires sont un recueil de nouvelles d'Edgar Poe traduites et rassemblées par Charles Baudelaire, et la première remarque qui me vient à l'esprit est qu'il serait intéressant de se procurer une édition comparant le texte original à sa traduction. De fait, le texte français est superbe et met parfaitement en valeur ce que j'appelle la musique des mots, le rythme, ce qui semble à première vue difficile lorsqu'on réalise une traduction fidèle.
Le recueil est donc marqué par ce sens de l'écriture alambiquée, qui est un défaut pour certains et une qualité pour moi, mais aussi par la passion de son auteur original pour les sciences, dont une des meilleures illustrations est l'emploi parfois excessif de l'adjectif "positif", signifiant plus ou moins "vérifié par l'expérience". Il faut dire que c'est l'époque des découvertes de la science, avant qu'on en perçoive les dangers et les dérives. Par conséquent, bon nombre de nouvelles font l'apologie du raisonnement (scientifique) et de l'expérimentation, avec plus ou moins de réussite : la résolution du "Double assassinat de la rue Morgue" est par exemple complètement tirée par les cheveux, le "Canard au ballon" ne vous parlera pas beaucoup à vous qui voyez tous les jours des gens traverser des océans en quelques heures, "Aventure sans pareille d'un certain Hans Pfaall" risque de vous ennuyer avec ses termes techniques (un peu vains à l'heure des voyages dans l'espace), et les espoirs fondés sur le magnétisme prêtent à sourire.
Cependant il est un thème dans lequel Edgar Poe excelle : c'est le mystère entourant un événement avant qu'il soit élucidé, et les meilleures nouvelles sont celles où il n'est justement pas élucidé. La chasse au trésor dans "Le scarabée d'or", le mystère de la mort dans "La vérité sur le cas de M. Valdemar" et "Révélation magnétique", les découvertes qui laissent l'homme impuissant à comprendre ce qui l'entoure dans "Manuscrit trouvé dans une bouteille" et les événements qu'il ne peut pas expliquer dans "Souvenirs de M. Auguste Bedloe", "Morella" et "Ligeia", autant d'histoires où la science est un peu mise en retrait ou impuissante et où l'étrange et la peur font surface.
Une œuvre à découvrir donc, tant pour les nouvelles citées dans le précédent paragraphe que pour la plume de Baudelaire, dont je me suis régalé de la préface.