Ma première rencontre avec Poe se produisit grâce à un travail scolaire sur Le Masque de la Mort rouge. Petit choc littéraire, l'adolescent que j'étais fut durablement impressionné par ce romantisme macabre, cette ironie gothique qui apporte la mort au cœur même des réjouissances de la vie.
Malgré tout, ce n'est qu'en 2018 que je me suis décidé à lire un recueil complet du maitre. Je savais déjà que le premier volume traduit par Baudelaire ne contenait presque pas de contes lugubres mais se penchait plutôt sur la facette scientifique, voir science-fictionnelle, de l'auteur. Tant mieux, ce genre de littérature a également tout ce qu'il faut pour me séduire ! Ce fut finalement une lecture intéressante mais pas aussi marquante que je l'aurais cru.
L'imagination de Poe est magistrale et propose des récits d'aventure (Le scarabée d'or), des récits de voyages impossibles (Une descente dans le Maelström, Aventure d'un certain Hans Pfaal) et s’enorgueillit même de créer le genre du récit policier occidental avec les enquêtes du Chevalier Dupin ( Double assassinat dans la rue Morgue, La lettre volée) ! Ce bouillonnement créatif, cependant, s'exprime par le biais d'une prose sèche, parfois même aride, qui lorgne sans cesse vers un réalisme scientifique exacerbé.
Dans certaines nouvelles, la moindre action des personnages nécessite plusieurs paragraphes d'explications et, malgré mon inclination pour les branches de la physique, je dois bien avouer que Poe ferait un assez mauvais vulgarisateur. Des tranches entières de ce recueil sont ainsi d'une lourdeur abominable, étouffant toute l'excitation que le lecteur pourrait ressentir face à l'inconnu. C'est à chaque fois au prix d'un combat mental laborieux que je pouvais me dire "putain, c'est pas mal en fait, mais qu'est-ce que c'était chiant, bordel de merde." Oui, il m'arrive de me vautrer dans des excès de vulgarité dont je ne suis pas fier...
De plus, Baudelaire, pour excellent traducteur qu'il soit, a eu l'idée saugrenue de rassembler dans ce recueil les nouvelles dont les histoires se ressemblaient ! On se tape ainsi deux voyages en ballon, deux récits de magnétisme, deux histoires de "revenants"... Si encore ces thématiques étaient traitées différemment à chaque fois, mais non, il semblerait que Poe aimait bien bégayer de temps en temps...
Bref, voilà une lecture recommandée au lecteur désireux d'enrichir sa culture livresque, tant l'apport de Poe aux littératures de genre est incontournable, mais l'esthète passera son chemin sans grand regret. A présent, je reporte toutes mes attentes sur la lecture des "Nouvelles histoires extraordinaires" qui me semblent brûler d'une flamme bien plus passionnée.