Sixième roman que je lis de l'auteur islandais Arnaldur Indridason, et le plaisir est toujours intact, malgré une légère baisse par rapport aux trois précédents (La Voix, la Femme en vert et surtout L'Homme du lac, qui reste mon préféré).
Hiver Arctique reprend les personnages habituels d'Erlendur, avec ses deux enfants Eva Lind et Sindri Saer, Sigurdur Oli et Elinborg. Cependant, cette enquête (ces enquêtes, devrais-je dire, puisqu'il y en a deux entre-mêlées) nous allons assister à quelques changements essentiels pour Erlendur.
Le premier concerne la mort de son ancien supérieur et mentor Marion Briem. Je ne pense pas faire un spoil en annonçant son décès, puisque ça fait déjà plusieurs romans qu'elle est en sursis. Et cette mort va être dévastatrice pour Erlendur. Marion mourant seule, sans famille, sans amis, sans personne pour la soutenir, renvoie le commissaire à sa propre solitude. Et ça lui fait peur.
La famille a toujours été un thème central des romans d'Arnaldur, et celui-ci ne fait pas exception. Principalement, à nouveau, sur les liens parents-enfants. On croit que l'auteur a déjà tout dit à ce sujet, et voilà que l'on découvre encore du nouveau. Car Erlendur fragilisé va tenter de trouver des moyens pour échapper à sa solitude, pour s'ouvrir aux autres. Même timidement, même maladroitement. Sa façon de parler à Sigurdur Oli de son enfance montre une tentative de socialisation tout à fait louable de la part d'un ours dans sa caverne.
Parallèlement, Arnaldur continue à dresser son portrait de l'Islande. Ici, c'est le thème de l'immigration, de l'intégration des immigrés et du racisme qui saute aux yeux. Sans forcément prendre de parti-pris, l'auteur nous montre comment une société renfermée sur elle-même (une île vit en vase clos) redoute de perdre son identité, mais surtout comment un monde fragilisé par des problèmes socio-économiques cherche un responsable à ses problèmes. Entre ceux qui vont en Thaïlande se chercher une femme et les combats de groupes dans les cours d'école, les problèmes lis à l'intégration des immigrés se osent ici de façon plus amplifiée encore qu'ailleurs.
L'enquête principale du roman concerne donc l'assassinat d'un garçon de dix ans, métis islando-thaïlandais, retrouvé poignardé, gisant dans son sang au pied d'un immeuble de ce qui doit correspondre à une cité en Islande. Son grand frère a également disparu. Crime raciste ? Conflit familial ? Lutte entre groupes à l'école ? Difficile à dire. Et avec son sens du suspense, Arnaldur va nous tenir jusqu'aux toutes dernières pages.
la solution de l'énigme est d'un glauque extraordinaire. Ce garçon, simplement assassiné par jeu, presque par hasard, parce qu'il se trouvait là, sans la moindre préméditation, sans la moindre logique, devient une victime de circonstances malheureuses à la limite de l'absurde. Cette fin est remarquable, d'abord parce qu'elle renforce le réalisme du roman, ensuite parce qu'elle augmente encore le glauque de l'ensemble.
L'auteur joue magnifiquement bien aussi avec la météo. Comme d'habitude, l'ambiance est loin d'être drôle, mais ici c'est encore renforcé par les tempêtes de neige, le froid quasi-polaire qui paralyse le pays et renferme les gens sur eux-mêmes. Le parallèle entre le décor et l'enquête est particulièrement bien vu.
En bref, même si ce n'est pas le meilleur Arnaldur, il s'agit quand même d'un fort bon divertissement, malin et intelligent.
[7,5/10]