George, l'hommage le plus classe du monde

"Hommage à la Catalogne" ne raconte pas la Guerre d'Espagne, avec les majuscules et la vision d'ensemble qu'on pourrait attendre d'un ouvrage journalistique ou historien. Si histoire il y a, c'est la petite, celle qui s'intercale entre le récit impressionniste (si c'est ce que vous cherchez "Pour qui sonne le glas" d'Hemingway vous tend ses bras avenants) et le compte-rendu rigoureux d'évènements modestes d'apparence. "Hommage à la Catalogne" raconte, comme son nom l'indique, la Catalogne, Barcelone et le front d'Aragon où l'auteur servit quelques mois dans les milices antifascistes du POUM trotskiste.

Orwell y raconte l'ennui, le froid et le sous-équipement, la touchante désorganisation des anti-franquistes, puis les divisions républicaines, minées par la rivalité communiste-anarchiste qui s'illustre dans l'insurrection de Barcelone et finira par l'emprisonnement massif des trotskistes du POUM, emprisonnement auquel l'auteur échappera de peu.

Écrit un an après les faits, et alors que l'issue de la guerre est encore incertaine (elle sera remportée, je le précise pour les ignares, par Franco et ses troupes fascistes soutenues par l'Allemagne et l'Italie), ce récit témoigne du don d'observation et du talent descriptif d'Orwell, et nous plonge dans une atmosphère catalane déroutante, imprégnée de tout l'amour, de tout l'espoir et de tout le désarroi du narrateur envers cette région, cette guerre, ce pays, et cette époque où l'idéal "socialiste" méritait encore qu'on prenne les armes pour le défendre.

Mais au delà de ce récit partiel, et partial, "Hommage à la Catalogne" témoigne surtout du vertigineux sens moral de son auteur, et de sa préoccupation permanente du "juste et de l'injuste", comme il dit. C'est une profession de foi politique et journalistique rare, dont les annexes (où l'auteur revient sur son analyse politique de la situation qu'il raconte) permettent de mesurer la grandeur.

Car Orwell, engagé volontaire dans une armée bordélique que personne ne soutient et qui sera sabordée par la propagande et ses propres divisions, témoin souvent malgré lui des absurdités et des renoncements qui couleront l'idéal révolutionnaire, fait preuve d'une droiture morale, d'une conscience politique, d'une humanité digne et sincère qui devrait rendre un peu honteux tout ceux qui échappent à l'anesthésie citoyenne.

Un modèle de manifeste sur l'engagement politique et moral, individuel et collectif. qu'en matière de coup de pied au cul, je n'échangerai pas contre vingt cartons du fumeux "Indignez-vous".
Troll
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le 8 avr. 2011

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