Homo comicus: ou l'intégrisme de la rigolade par Samskeyti

Entre agacement, fatigue et adéquation, ces quelques pages m’auront tourmentées. Je m’étais dit que j’allais lire un essai histoire de faire genre que je lis des choses qui font penser et en lisant, force a été de constater que j’étais d’accord avec ses constats et ses intentions de dénonciation dans ce livre et en même temps qu’il était tellement abject et hautain, manquant de finesse et de recul sur lui-même qu’il m’a donnée envie de chialer de fatigue. Pas de haine, de fatigue.


Le fond n’est pas mauvais (selon moi) sur la bien-pensance, le conformisme non assumé, le côté obscène qui se veut transgressif, l’impact sur la décrédibilisation du monde politique qui se fait plus par la moquerie de mimiques, tics, petites phrases malencontreuses que par un fond réel sur des idées. Je le rejoins même, seulement ça ne prend pas 10 ans à être dit. L’essai a beau être de peu de pages, c’est déjà trop. La même idée remâchée en ajoutant des noms, des citations, des références, histoire de s’étaler, montrer que nous on sait, nous on est cultivés, nous nous nous nous, et eux berk, eux caca, eux pfff, eux c’est à en pleurer de rire, eux eux eux... Alors qui a la plus grosse ?
L’identification du problème est la bonne, toute l’analyse derrière est vaseuse, incomplète et trop restreinte à sa réalité, chose là encore qu’il reproche aux humoristes. C’est tellement criant tout au long des lignes.


Du coup tout du long ça m’irrite :
- sa position est exprimée de manière abjecte, tout aussi intégriste, emplie de haine et d’aigreur qui donne envie de se désolidariser avec un fond qui à mes yeux était inattaquable. Il mine ses propres idées ;
- Il a sa propre définition de l’humour, la BONNE à n’en pas douter, vous comprenez il vous cite Socrate donc c’est bon c’est signé. Il s’en prend à la vacuité de Youn, aux imitateurs qui imitent trop et ont le malheur de se vendre comme tel pour attirer des auditeurs, les Guillon qui veulent dénoncer des choses (souvent à tort, je suis totalement d’accord avec la manière dont il les décrit), etc… Donc il veut imposer son intégrisme de la rigolade. Dans ce livre il ne regrette pas qu’il en existe un, il n’est pas content que ce ne soit pas le sien. C’est tellement stupide que je ne sais pas comment il a pu ne pas le voir pour écrire ça ;
- cite ses « figures » de l’humour absolu, j’ai horreur de la comparaison et de détruire les gens sous prétexte qu’ils ne sont pas aussi bons qu’untel qui a vécu à une autre époque. En effet il parle des vrais humoristes d’antan qui dénonçaient réellement les puissants qu’ils « avaient une haute idée du combat qu’ils menaient, dans un siècle abruti par la recherche du profit et du confort ». Sous-entendus à l’inverse des humoristes réactionnaires de maintenant et de lui-même.
Sans parler des « vrais humoristes » qu’il cite parce qu’ils ont fait la prison, ont connu la déportation, on eu des duels classieux, bref, étaient d’un autre temps. Tu peux pas être finement drôle si t’as pas vécu des tragédies qui font que tu sois + qu’un humoriste de manière à te rendre « de haute lignée ».
Seulement on est à une autre époque et le défaut de notre siècle n’est pas tant la recherche du profit et du confort que l’auto-satisfaction décuplée de chacun qui à une trop haute estime de soi pour prendre du recul puisqu’il considère déjà tout savoir. C’est d’ailleurs ce qui rend les humoristes contemporains si agaçants qu’il en fait son essai, et c’est ce qui rend l’auteur si agaçant que j’en fais une critique.


Il existe plusieurs sortes d’humour, qu’il dise que l’humour potache, et un brin vulgaire n’est pas son genre, qu’il n’en consomme pas et qu’il fasse pas chier.


La partie la plus intéressante à mes yeux est celle faisant le lien avec la politique « dérision des politiques et de la politique », « politique de la dérision », « au-delà de la politique et de la dérison ». L’auteur met + d’ardeurs dans ses propos, ses exemples que dans la critique pure et simple de quelque chose qui ne lui plairait pas. C’est subtile mais il y a une nuance qui fait que sa hargne va dans son argumentaire, dans son identification des problèmes et non dans la défense de ce qu’il pense d’untel personnellement et combien ça l’agace à titre personnel parce que ce ne sont pas ses goûts en matière d’humour.


Mais voilà, quand je pense qu’on édite un essai de 60 pages parce que c’est écrit en gros et qu’il y a des notes inutiles pour faire genre que y a pleins de choses sur lesquelles revenir pour sortir deux/trois bonnes idées déjà à la portée de tous mais l’auteur a eu la présomption de croire qu’on attendait son essai pour s’en rendre compte…


Mamamia je préfère rester en dehors du monde intellectuel et philosophique littéraire si c’en est un exemple.
Je retenterais à l’avenir mais parfois le seul fait d’être publié donne l’impression qu’on est forcément intelligent, fin, malin, philosophe, un œil perçant dans cette société qui s’abrutit, et j’en passe. Ca m’attriste autant que me fatigue. D’autant que ça embringue tout un tas de personnes du passé comme s’ils avaient reçu leur aval.


Qu’il aille taguer sur une porte des toilettes « Guillon est une pute » ça suffira.

Samskeyti
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le 7 juil. 2017

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