Anesthésie Spatiale
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Après la lecture fort délicieuse du Bikini de Diamants (a.k.a Fantasia chez les ploucs), je continuai ma rétrospective Charles Williams avec un autre de ses romans les plus populaires, Hot Spot dont le titre originel Hell Hath no Fury avait déjà tout d'une sacrée promesse. C'est peu dire qu'elle fut largement tenue. En à peine 220 feuillets, Williams signe l'un des romans noirs les plus oppressants que j'aie pu lire depuis un bout de temps. Écrit à la première personne, le récit suit la trajectoire contrariée de Harry Madox, homme énigmatique sans attache ayant jeté son dévolu sur une petite ville du Texas. Engagé comme vendeur automobile, il élabore une stratégie pour braquer la banque avoisinante. En parallèle de ce charmant programme, Madox rencontre deux femmes dont les caractères et objectifs pourraient bien contrecarrer ses plans.
Inutile d'aller plus loin, vous vous doutez bien que la vie ne va pas être un long fleuve tranquille pour Harry. Tant pis pour les nerfs que Williams va prendre un malin plaisir à travailler, autant les nôtres que ceux de son héros. On ne perd pas une minute sur le chemin et dieu sait qu'il tournicote pas mal. L'auteur arrive avec une grande simplicité à nous plonger dans les pensées de son personnage alors que l'intrigue se déroule et que le sol se dérobe sous ses pieds. Il arrive même qu'il anticipe nos suppositions et en mesure les conséquences. Sans donner trop de place aux apartés contemplatives, l'écrivain essaime suffisamment de détails pour nous permettre de visualiser le décor, l'ambiance et les moments de frictions. On se situe clairement à l'école hard-boiled, qui se contente du strict nécessaire au second plan pour nous projeter en première ligne. Bien qu'on suive les évènements selon le point de vue de Madox, Williams entretient des zones d'incertitudes par petites touches. Quelque chose va dérailler, mais quoi, par la faute de qui, et comment ? À vous de les découvrir, et je vous envie car quand on ne sait pas, il y a presque un plaisir masochiste à tourner les pages en redoutant le pire. On franchit le premier quart de Hot Spot l'estomac noué, l'écrivain va alors passer le reste du livre à comprimer davantage notre tube digestif. Jusqu'à complètement le ravager avec un final ténébreux à souhait. Dernier point et pas des moindres, la femme est à l'honneur chez Williams et s'il joue des idées reçues au départ (la femme fatale, l'innocente muse) c'est pour mieux les retourner contre son lecteur avec délectation.
Je ne vois rien d'autre à ajouter. Si vous êtes un amoureux du roman noir, que vous avez envie de vous offrir une virée sous un soleil de plomb et que vous ne crachez pas sur les sensations fortes, alors Hot Spot est l'endroit rêvé. En deux lectures (avec Le Bikini de Diamants), Charles Williams s'impose parmi mes plus belles découvertes. Et de rappeler que le roman noir n'a pas souvent rayonné autant.
Créée
le 25 juin 2021
Critique lue 87 fois
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