Médiocres humains.
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Ce qu'il ressort de la lecture d'Humain, trop humain, c'est d'abord que Nietzsche fut un homme de son temps. L'humanité quittant l'enfance et ses croyances, ses mythes, ses traditions pour entrer dans sa phase adolescente à travers la remise en question d'elle-même, la quête d'identité, le scepticisme envers tout ce qu'elle avait non seulement cru mais aussi pensé. À la critique d'une inéluctable subjectivité des valeurs, Nietzsche répond dans un langage néopyrrhonien : tout est indifférent. L'être humain, dans son impossible objectivité, doit-il former individuellement ses propres valeurs, rejetant par là même l'humanité comme raison objective et ainsi objet scientifique. Il confond finalement éthique et psychologie, confusion qui s'inscrit dans l'héritage spinoziste, tout en tronquant l'observation kantienne quant au rapport d'objectivation du sujet vers l'objet. Qu'est-ce que la justice ? se demande le philologue dans ses notes. Et c'est là tout le défaut de Nietzsche, cette absence de système, de cohérence et bien plutôt de volonté qui se dégage de son œuvre découlant d'une irréflexion sur l'éthique, science véritable de la justice. Cela explique d'ailleurs la forme de l'œuvre, plus d'un millier de courtes notes classées thématiquement partageant les errements d'un homme, bien plus que les réflexions structurées d'un être humain.
Nietzsche était malade, au sens propre du terme, aussi cette défaillance physique a pu jouer un rôle déterminant, quoiqu'inconscient, dans son rejet de l'éthique. Car théoriser l'éthique, cela revenait en premier lieu à admettre l'homme en tant que norme, dont l'être altéré serait exclu, pour réaliser la condition égalitaire de la société. À la place, il émet l'idée de l'ennoblissement par dégénérescence (I, 224), donnant à l'infirme la possibilité de déterminer le sens futur de la société. Mais qu'y a-t-il donc de plus incohérent que de croire qu'un être inadapté puisse favoriser utilement la société et qu'il soit même le garant du progrès ? Nietzsche aurait mieux fait de généraliser le suicide du vieillard (I, 80) à l'ensemble des inadaptables ou des parasites qui préfèrent « vivre dans la dépendance, aux dépens d'autrui » (I, 356), voilà qui eût été une pensée fort utile.
Pour résumer ce livre, disons qu'il convient parfaitement à l'auteur et à ses lecteurs, tous de la caste des philistins cultivés. L'auteur de beaucoup de convictions flatte son lecteur moutonnier en le persuadant d'être un esprit libre, effectivement si libre qu'il se laissera déterminé par sa lecture. Hélas, comment y échapper ! rétorquerait probablement Nietzsche, l'humain n'est-il pas après tout que construction sociale. Tiens ?!
Créée
le 29 déc. 2022
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