Hypérion
8
Hypérion

livre de Dan Simmons (1989)

Rédiger la chronique d'un ouvrage de la trempe de Hypérion présente comme première difficulté de trouver par quoi commencer : les œuvres de ce calibre, en effet, se caractérisent entre autres par une densité tant narrative que thématique pour le moins hors norme. Sous bien des aspects, d'ailleurs, cette densité constitue souvent leur point fort, celui qui en fait des productions à part des autres, qui les fait compter parmi les plus brillantes et les plus époustouflantes – en un mot : les plus marquantes. Pour ce faire, elles prennent souvent un aspect d'anthologie, faute d'un meilleur terme, dans le sens où elles mêlent les genres et les thèmes les plus éculés non seulement sous un seul et même titre mais aussi d'une manière tout à fait novatrice ou bien, à défaut, personnelle – ce qui revient un peu au même.


Pour cette raison, on les qualifie souvent de chef-d'œuvre. Non au sens du terme désignant une production dont les qualités la rendent indescriptible, elle-même ou bien l'effet qu'elle produit sur son lecteur, puisque un tel jugement reste malgré tout très empirique, mais plutôt dans le sens donné à une œuvre qui représente un pinacle dans un secteur particulier. Ici, la science-fiction. Toute la question consiste donc à savoir de quelle science-fiction il s'agit, car ses sous-genres ne se comptent plus. Pêle-mêle, on pourra citer ici le space opera, le cyberpunk, le transhumanisme, l'intelligence artificielle, l'empire galactique, ou en tous cas la civilisation à l'échelle galactique, le cyberespace, la nanotechnologie, la dévastation de la Terre, le voyage dans le temps, au moins implicitement,... et la liste ne se veut en aucun cas exhaustive.


À vrai dire, Hypérion exploite à lui seul toutes les principales branches de la science-fiction, c'est-à-dire ses principaux classiques. Ainsi, le connaisseur y distinguera les influences de Fondation (Isaac Asimov ; 1951) comme de Dune (Frank Herbert ; 1965) ou de Neuromancien (William Gibson ; 1984), soient les indispensables de chacune des périodes clés du genre ; mais on y retrouve aussi, au moins de manière sous-jacente, la plupart des autres œuvres majeures qui tournent autour des trois citées ici, celles qui ont fait de la science-fiction ce qu'elle est à présent. Ou plutôt ce qu'elle était à la toute fin des années 80, époque où fut écrit Hypérion : la différence est de taille, car la science-fiction a poursuivi son évolution depuis comme le savent tous les spécialistes – c'est le propre de ce genre de changer d'aspect...


Mais c'est aussi une histoire profondément humaine, encore que je devrais plutôt dire six histoires et non une seule. Hypérion, en effet, s'articule également autour du thème des narrateurs multiples dont le récit de chacun constitue une pierre supplémentaire à un édifice dont le lecteur ne parviendra jamais à distinguer le sommet. Pas tout à fait, du moins : cette œuvre trouve d'ailleurs là une partie de sa force – celle bâtie sur l'imagination de son audience... À sa manière tout à fait unique, chacun de ces narrateurs saura se montrer singulièrement humain, c'est-à-dire aussi attachant que peut le devenir un personnage fictif. Car aucun de ces six pèlerins envoyés sur Hypérion n'y était déjà venu auparavant, et les traces qu'ils y avaient laissées réclament à présent leur tribut...


Un tribut dont le prix pour le moins élevé fait osciller chacun d'eux du statut de bourreau à celui de victime, mais aussi de héros à mécréant. En bref, le genre de récit où les guerriers se confondent aux poètes et les érudits aux rustauds, ou quelque chose comme ça. Dan Simmons, ici, se régale à brouiller les pistes pour nous servir au final ce qui reste encore à ce jour une des plus grandes œuvres de la science-fiction et même de la littérature tout court : en fait, le genre d'ouvrage à ne manquer sous aucun prétexte.


Séquelles :


Hypérion commence le cycle appelé Les Cantos d'Hypérion qui compte un total de quatre volumes dont chacun est divisé en deux pour son édition de poche. Après Hypérion on trouve La Chute d'Hypérion (1990), que suivent Endymion (1995) et enfin L'Éveil d'Endymion (1997). Comme souvent, hélas, la qualité de chacun de ces tomes supplémentaires va en baissant, jusqu'à atteindre des profondeurs que le lecteur se trouvera bien inspiré d'éviter...


Récompenses :



  • Hugo, catégorie roman, 1990

  • Locus, catégorie roman de Science-Fiction, 1990

  • Cosmos 2000, [sans catégorie], 1992

  • Seiun, catégorie Meilleur roman en langue étrangère, 1995

  • Tähtivaeltaja, catégorie Meilleure traduction finnoise d'un roman, 1998

LeDinoBleu
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Science-fiction, , Les meilleurs livres de science-fiction, Les meilleurs livres de SF pour ceux qui n'aiment pas la SF et Les livres qui ont changé votre vie

Créée

le 5 oct. 2011

Critique lue 972 fois

5 j'aime

LeDinoBleu

Écrit par

Critique lue 972 fois

5

D'autres avis sur Hypérion

Hypérion
Penro
9

Critique de Hypérion par Penro

Ce sont sept pèlerins qui ne se connaissent ni d'Ève, ni d'Adam, nés sur des planètes différentes, issus de cultures diverses, rassemblés sur Hypérion, la planète des Confins, au milieu d'un conflit...

le 4 févr. 2011

24 j'aime

4

Hypérion
Coriolano
9

Critique de Hypérion par Coriolano

Ne tournons pas autour du pot, Hypérion et sa suite La chute d'Hypérion son des chefs d'oeuvre absolus de la SF. Au 28ème siècle, la terre a disparu et l'humanité a essaimé dans l'univers. Mais la...

le 25 juin 2010

23 j'aime

2

Hypérion
SanFelice
9

Tempus fugit

La structure du roman Hypérion n’est pas sans rappeler celle du film Au Coeur de la nuit : un récit principal qui encadre les récits successifs des six protagonistes. Si cela peut sembler surprenant...

le 8 août 2024

12 j'aime

2

Du même critique

Serial Experiments Lain
LeDinoBleu
8

Paranoïa

Lain est une jeune fille renfermée et timide, avec pas mal de difficultés à se faire des amis. Il faut dire que sa famille « inhabituelle » ne lui facilite pas les choses. De plus, Lain ne comprend...

le 5 mars 2011

45 j'aime

L'Histoire sans fin
LeDinoBleu
8

Un Récit éternel

À une époque où le genre de l’heroic fantasy connaît une popularité sans précédent, il ne paraît pas incongru de rappeler qu’il n’entretient avec les légendes traditionnelles qu’un rapport en fin de...

le 17 août 2012

40 j'aime