Ici même
Ici même

livre de Taleb Alrefai (2006)

La littérature des pays du Golfe reste pratiquement terra incognita en nos contrées eu égard à la rareté des traductions proposées par les éditeurs français. A quelques exceptions près : la romancière saoudienne Raja Alem ou l'écrivain yéménite Ali Al-Muqri, par exemple. Un grand merci à la collection Sindbad d'Actes Sud qui nous permet, en ce début 2016, de découvrir un auteur koweïtien, Taleb Alrefai, dont les livres sont, parait-il, pour la plupart centrés sur la condition féminine dans son pays. C'est le cas dans Ici même, un roman où Alrefai se met d'abord brièvement au premier plan avant de laisser la place aux confidences de Kawthar, son héroïne, la fille très chère de son meilleur ami. Fiction ou réalité ? Peu importe, le livre est un témoignage vibrant et douloureux de la vie d'une femme d'une trentaine d'années à Koweit City. Qui n'a pas à plaindre, a priori, car issue d'une famille aisée et travaillant dans une grande banque. Et cependant, "Ici, la société brise et réprime le désir féminin, l'empêche de déclarer sa flamme et d'exprimer sa souffrance." Kawthar est amoureuse mais elle se heurte à tous les obstacles : elle est chiite, il est sunnite ; il est déjà marié et père de 3 enfants et bien qu'il lui jure de vouloir divorcer, elle a du mal à le croire. Après tout, il a le droit, car c'est un homme, d'avoir deux épouses. Reniée par sa famille et menacée par son oncle, Kawthar a brisé le coeur de son père, dont elle était la fille préférée. Il en est mort, peut-être pour cette raison. Alors, pendant un jour, une nuit et un matin, quelques heures avant son mariage, elle s'interroge et se souvient. Pourra t-elle partager cet homme qu'elle aime tant mais qu'il lui arrive de mépriser pour ses hésitations, sa lâcheté et peut-être ses mensonges ? Jusqu'au bout, en imposant de temps à autre son personnage d'écrivain sage, lettré et solitaire,Taleb Alrefai nous enchante avec sa prose limpide et vive dans un thriller sentimental et social alors que le destin de son héroïne va se jouer. Femme indépendante et émancipée, Kawthar est tiraillée dans deux directions contraires, aucune ne lui assurant la certitude d'être heureuse. Pendant 150 pages, le romancier nous fait tout partager de ses pensées. Et c'est aussi captivant et touchant que possible.

Cinephile-doux
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le 17 déc. 2016

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