Abracadabrantesque

Après que de nombreuses personnes m'aient recommandé ce classique d'Agatha Christie, je me suis décidé à le lire, étant persuadé qu'un livre qui réussisse encore aujourd'hui à surprendre tous ses lecteurs ne pouvait être qu'excellent.

Et, en effet, c'est un livre qu'on dévore. Il ne m'a fallut qu'une après-midi pour le lire intégralement. C'est là son point fort; Agatha Christie parvient à nous faire entrer dans son monde. Bien que les personnages soient présentés un peu trop vite et de manière successive (ce qui oblige le lecteur à revenir aux pages précédentes pour bien assimiler chaque protagoniste durant les premiers chapitres), on parvient ensuite à les différencier, les connaître, les apprécier ou les détester. En somme, on suit le cours des événements avec curiosité, délectation et anxiété. On avale les pages, se sentant toujours plus oppressé par l'inéluctable disparition future d'un des personnages.

Bien-sur, le mythe qui va avec ce livre oblige le lecteur à vouloir tant bien que mal trouver le meurtrier et en quelque sorte "déjouer" l'auteure.
Or, même doté d'une excellente capacité d'analyse, on ne peut pas résoudre l'énigme sans lire la fin. On peut faire des suppositions sur certains personnages et celles-ci peuvent s'avèrer juste, mais le dénouement en tant que tel est en soi introuvable.

Et il l'est pour une raison simple; il est tout bonnement improbable.
Plus le livre avance, plus le cercle de suspects se recroqueville. Fatalement, les personnages disparaissent les uns après les autres, et le lecteur a le choix entre de moins en moins de personnalités. On se dit alors que le dénouement va expliquer plusieurs événements ou actions assez obscures (par exemple les personnages ont les réponses sous les yeux avec la comptine, savent pertinemment que le meurtrier s'en inspire, mais à aucun moment ils n'analysent les phrases du poème (?!??)) ; mais il n'en est rien.
Non seulement le dénouement ne donne aucune réponse à nombreuses de nos questions, mais il est aussi totalement invraisemblable. Le pot aux roses est expliqué à la fin du livre, et toute personne ayant un minimum d'esprit critique se doit de voir que l'explication donnée est irréalisable.

Pierre Bayard a écrit un livre dans lequel il reprend la fin et explique en quoi celle-ci ne tient pas debout. Il tente d'expliquer que le meurtrier n'est justement pas celui proposé par Christie, et que le lecteur se doit de creuser encore plus loin pour trouver une explication plus vraisemblable.
Je ne l'ai pas lu, mais ça ne saurait tarder, au vu de l'immense déception que représente pour moi "Dix petits nègres".

Je vous le recommande tout de même, afin que d'autres personnes se rendent compte de l'impossibilité des faits racontés, ou que leur lecture et analyse vienne apporter de nouvelles théories. Car cette fin ne peut pas vous suffire si vous vous êtes un tant soit peu intéressé à l'intrigue.