1000 km à pied, ça use les souliers.
"Immortelle randonnée" est plus qu'un jeu de mot (référence à Mortelle randonnée, le film de Claude Miller) doublé d'une référence au statut d'Académicien (les membres de l'Académie Française sont appelés les "Immortels"). Ce n'est pas non plus un carnet de bord, puisque J-C Rufin n'a pas pris de notes durant son voyage. Ce n'est qu'après son aventure qu'il a couché sur papier ses sentiments, ses impressions. Ce n'est pas un livre prosélyte qui cherche à montrer que la foi catholique permet de déplacer des montagnes.
C'est le récit de voyage intiatique et intime d'un homme qui décide pendant un mois de parcourir 1000km à pied pour vivre une expérience profonde, seul avec lui-même sur le Chemin de Compostelle, le chemin du Nord, celui qui est le moins fréquenté par les touristes et passe par le pays Basque (chemin côtier, les débuts de l'expérience, l'apprentissage de l'humilité, le début de la "clochardisation"), la Cantabrie (ses zones industrielles, ses pipelines, ses plages sans fin, son ennui), les Asturies (mystiques,profondes, amenant à un état "bouddhique"), puis la Galice (où il retrouve sa femme pour la dernière ligne droite vers le but, là où le chemin se remplit de marcheurs du dimanches, de faux pélerins, de marchands du temple, de kitsch).
Immortelle Randonnée, c'est l'expérience d'un pélerin, avec ses doutes, ses joies, ses rencontres rares et à chaque fois jubilatoires, ses petits tracas profondéments humains, ses bobos, sans jamais, jamais être moralisateur. L'écrivain va passer par tous les états et entamer sa métamorphose au fur et à mesure que les différentes couches qui le constituent deviennent superflues : au fur et à mesure, le Chemin va lui en apprendre plus sur lui-même que pendant toute sa vie. Ce Chemin, sorte de puissance sourde qui guide et entraîne le pélerin de façon bienveillante un peu autoritaire. Il va apprendre l'humilité, qui curieusement va s'accompagner d'une forme d'orgueil et de la fierté d'appartenir à la race des vrais pélerins, ceux qui sont partis de loin, et ont enduré le voyage, ont transpiré le Chemin, ont communié avec lui, ont ressenti sa force, et ont mesuré tout le sens de ce pélerinage.
J'ai aimé ce livre, j'ai aimé la sincérité de Rufin, son écriture, sa façon de raconter les choses. Il m'a donné envie, moi aussi, de marcher, d'aller sur le Chemin.
NB : Je n'ai pas "lu" le livre, je l'ai "écouté" (Audiolib). La lecture de Vincent Schmitt est excellente, ses intonations, son timbre de voix m'ont fait "vivre" le texte et profiter pleinement de cette oeuvre. Je le conseille vivement sous cette forme.