Si le début, disons les cinquante premières pages, m'a semblé un peu laborieux, décourageant, le reste du livre est fluide et direct. Ou peut-être étais-je simplement désarçonné par le style de Djian, avec ses courts paragraphes et ses changements de prise de parole des personnages (voire des siennes) inopinés. Malgré cela, c'est la profonde impression de noirceur dès le début qui m'a attrapé. Et qui explique, à la réflexion, cette écriture rapide, directe, crue, qui ne laisse aucun répit. Ce qui en renforce d'autant le côté percutant du récit.
J'avais d'abord cru m'attaquer, comme le laisse supposer le résumé, à un type de roman policier dont la victime serait la fille d'un de ces microcosmes de privilégiés, et dont on suivrait l'élucidation du meurtre. En réalité, ce n'est qu'un prétexte, même si l'auteur distille quelques éléments qui pousseraient à questionner la version "officielle". C'est donc un prétexte pour observer de près le lent naufrage d'une famille, voire d'une communauté entière. A vrai dire, les actions s'enchaînent, et aucune ne permet aux personnages de jamais remonter la pente. Evy, le personnage central, n'est étonnamment pas le plus sombre de tous : on dirait plutôt qu'il est le miroir des échecs et des névroses de sa mère, de son père, de ses amis, le réceptacle de la frustration et de décrépitude de tous les parents d'élèves.
L'auteur impose à une bande d'enfants de 14 ans tout un lot d'expériences, de désirs et pratiques sexuelles largement exagérés. Si bien que cela devient même insupportable pour l'un des personnages qui vient à rejeter le sexe complétement. Pour tout dire, l'excès d'alcool, de drogues, de sexe paraît à certains moment complétement impensable, irréaliste, dégoûtant. Car à aucun moment on arrivera à plaindre aucun de ces nantis, qui possèdent tout en apparence mais finalement rien. Et qui trompent, baisent, s'enivrent, s'oublient sans réussir à repousser leurs démons. Parfois des parallèles se créaient dans mon esprit avec Skins, ne serait-ce qu'à cause du prénom du personnage principal ou de la tendance à l'excès.
Ajoutons à cela un questionnement assez persistant sur les relations intergénérationnelles : rapports parents-enfants (Evy et ses parents, son père et ses propres parents), mais aussi adultes-enfants, qui lui aussi s'avère décevant, triste, catastrophique parfois sans une once de lumière. Et aussi, à noter, de nombreux personnages queers qui sont, et c'est appréciable, là pour eux-même et pas seulement pour ajouter une touche de transgressif à l'ensemble.
En bref, à ne pas conseiller aux dépressifs, car il peut être éprouvant à lire d'une traite ailleurs que sur la plage en plein soleil. Et ce qu'on imagine comme de verdoyantes collines où s'étendent de magnifiques maisons assorties de leur piscine à débordement ne suffit pas à faire passer Impuretés pour une évasion tranquille au bord de la mer. Loin de là.