On se repentira de l'avoir aimé
Wajdi Mouawad ne fait que reprendre de vieux mythes pour les encastrer dans un monde contemporain qui n'est pas fait pour les accueillir. ça a un ptit côté OEdipe, un ptit côté Electre, un gros côté tragédie Trash, ça séduit beaucoup d'emblée mais ça ne résiste pas au recul.
Ce n'est pas parce que Mouawad est né au Liban que la vision qu'il en a est réaliste ou vraie, juste ou je ne sais quel terme trop souvent employé par des gens qui n'ont aucune idée de la situation libanaise réelle qui n'avaient jamais vraiment entendu parler du Liban avant ce bouquin à part au zapping et qui s'exclament émerveillés "Mon Dieu quelle juste vision des choses !" NON ! Mouawad donne sa vision des choses qui n'est qu'un point de vue, qui plus est un point de vue manichéen où les méchants sont méchants, où la guerre, c'est mal parce que ça rend les gens méchants, où les gentils sont gentils et où le Québec, c'est bien parce que ça rend les gens gentils.
Pour ce qui est de l'écriture, qu'on s'y arrête une minute seulement au lieu de passer vite dessus et de s'extasier sans réfléchir. C'est du vent, on croirait entendre des dialogues de cinéma grossis pour le théâtre plein d'une littérarité pompeuse, poisseuse. Evidemment, ça plait, le théâtre est un art de l'instant et à l'instant où on entend ces textes, on se sent tout chose de retrouver à l'oreille de la bonne littérature. En l'entendant, on se dit que c'est magnifiquement bien écrit. Eh oui mais non, relisons Mouawad, relisons Mouawad lentement, posément, il n'y a plus rien, ce n'est qu'un faiseur.
Prenons un exemple : " "Incendies" est alors l'histoire de trois histoires qui cherchent leur début, de trois destins qui cherchent leur origine pour tenter de résoudre l'équation de leur existence et tenter de trouver, derrière la dune la plus sombre, la source de beauté."
Les figures de style sont si apparentes, si grosses, répétition, dédoublement, métamorphoses pour le moins commune ("l'équation de l'existence") ou pour le moins foireuse (Oh la beauté est une oasis dans un désert de dunes obscures, mon dieu quel miracle de poésie), on ne peut que reconnaître le talent Mouawadien de les enchaîner. Problème il ne fait que les enchaîner, et si j'osais, pour pasticher quelque peu Bertrand Cantat, son pote, je dirais qu'à force de figures de style, il défigure son style.
Un auteur idolâtré qui ne résistera pas au flot de l'histoire, emporté par sa fureur comme on peut l'être par son récit. On se repentira de l'avoir aimé.