Inconnu 89
7.3
Inconnu 89

livre de Elmore Leonard (1977)

Elmore Leonard. Il sonne bien ce nom-là, me dis-je. J'ai l'impression d'en avoir souvent entendu parler. Quelques clics plus tard, tout paraît plus clair. Jackie Brown, Get Shorty, Justified, eh oui. Tout ça vient du même Leonard. Mais si je devais parier, je dirais que son nom m'étais connu de réputation. Je veux dire avant même qu'on pense aux films tirés de ses écrits. Quel plaisir de découvrir que l'illustre écrivain avait pour ami Donald E. Westlake, un de mes chouchous. Si dans le monde du polar, il y a un style Elmore Leonard, ce serait quand même bête de se priver de la découverte. Au hasard, prenons Inconnu 89.
Comment définir la plume Leonard ? L'auteur avait livré ses dix commandements persos, résumés en une formule lapidaire "If it sounds like writing, I rewrite it" ("si ça ressemble à de l'écrit, je le réécris"). Clair, net, précis. Les descriptions sont limitées à une très fine part congrue. Ça dialogue beaucoup, genre beaucoup beaucoup. Mais c'est fluide, frais, enlevé, ça sonne juste. Les personnages n'ont rien d'héroïque ni de particulièrement repoussant. Ils sont parfois drôles. Ils sont parfois touchants. Parfois bêtes. Bref, facile de croire en eux. Juste des gens qui vivent leurs vies au gré de combines rodées. Le plaisir, c'est de les voir se rencontrer et regarder ce qui se passe. Simple désir mutuel de trouver une efficacité dans sa forme la plus brute ? D'effacer toute vanité littéraire ? J'imagine un peu de tout ça à la fois. Je m'amuse à repérer l'évidente proximité avec les romans de Richard Stark (l'un des alias utilisé par Westlake) qui souscrit peu ou prou à la même ligne de conduite.
Il est vrai que quand on est habitué à du roman noir où l'intrigue emprunte des tournants soudains, Inconnu 89 peut sembler placide. Cool plus exactement. Beaucoup de choses se passent, mais rien ne semble forcé ou précipité. Personnellement, comme découverte je trouve que ce roman s'en sort bien. La lecture est rapide, l'écriture onctueuse, on enchaine les chapitres à vitesse grand V. L'impression d'avoir en main quelque chose qui s'est écrit en cours de route est une agréable expérience. On termine souvent un chapitre avec la sensation que ça y est, ça va partir en sucette. Comptez sur Elmore Leonard, il vous surprendra autant qu'il vous frustrera. Il aime jouer sur plusieurs temporalités, multiplier les points de vue. Il a raison, la galerie de personnages est ragoûtante. Le coulant Ryan bien sûr, chevalier plus blanc foncé que noir clair. La charmante Denise, tantôt douce tantôt piquante. Le machiavélique Virgil, imprévisible mais classe. Enfin, une petite pensée pour Raymond Gride, le psychopathe pas raciste (mais en fait si) et bien bourrin.
Heureux d'avoir enfin frayé dans le petit monde de Leonard, avec ces magouilleurs au grand cœur et ces loubards sans envergure. Quels qu'ils soient, il les écrit avec caractère et avec une langue bien pendue. Pas étonnant qu'un cinéaste aussi volubile que Quentin Tarantino y ait trouvé une source d'inspiration. Pas étonnant non plus que son adaptation de Punch-Créole (Jackie Brown, 1997) fut longtemps son film le plus mesuré et tendre (avant Once Upon a Time in...Hollywood).

ConFuCkamuS
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le 11 juin 2021

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