De temps en temps, j'entre dans une librairie et je choisis un livre au hasard. Bien entendu, il doit répondre à quelques critères : je ne dois avoir lu le moindre article sur lui et je ne dois pas connaître l'auteur. Evidemment, j'évite soigneusement les livres mis en piles, souvent ceux des listes des meilleures ventes (quelquefois aussi des coups de coeurs des libraires) ou alors ceux qui ont été inévitablement encensés par François Busnel dans sa grande bibliothèque. Je file donc vers les rayonnages, je demande à la personne qui m'accompagne de me donner une lettre de l'alphabet au hasard et là, je choisis.
Vendredi dernier, j'ai fureté parmi les livres rangés à la lettre "T" et j'ai extrait "Infidèles" d'Abdellah Taïa édité au Seuil. J'ai fait une petite grimace car je ne suis pas très réceptif à la littérature maghrébine, trop sucrée à mon goût et souvent empreinte de religiosité. Qu'importe, je file vers la caisse et une fois réglé l'heureux (?) élu, je lis la quatrième de couverture. Brrr, Islam et prostitution semblent être au programme ! Pas vraiment emballé...
Sur internet, je cherche à en savoir plus sur l'auteur. Oh, ignorant que je suis, il a déjà eu le prix de Flore en 2010 et il est inscrit sur la liste pour le prix Renaudot ! Raisons de plus pour me plonger illico dans ce roman.
Nous faisons la connaissance de Slima, prostituée marocaine, dont la mère sur son lit de mort, lui livre les secrets de son métier : introductrice. Cela consiste, lors de la nuit de noces, à accompagner les jeunes mariés stressés à s'unir comme la nature l'a pensé. L'introductrice excite le mari, cajole et au besoin force un peu l'épouse, introduit le membre de l'homme dans la bonne cavité et, si besoin, trouve du sang pour étaler sur les draps. Si j'ai bien suivi, Slima ne sera que prostituée, les bons vieux métiers semblent se perdre inexorablement...
Slima aura un fils, Jallal, qui sera bercé toute son enfance par les bruits de l'amour provenant de la chambre de sa mère et par la vision enchanteresque de Marilyn Monroe dans "Rivière sans retour". Ce fils, après la mort de sa mère totalement confite de religion, se retrouvera auprès d'un jeune terroriste islamiste.
En quelques longs chapitres, nous suivons leurs destinées, pour le moins atypiques. Cette prostituée est très croyante mais veut vivre un Islam réinterprété selon ses goûts. La croyance est dans son âme mais en aucun cas sclérosante ou fermée. Jallal ne pense pas trop à la religion. Orphelin désorienté, il rencontrera un être aux apparences douces qui se révélera être un terroriste islamiste.
Alors, finalement, bonne ou mauvaise pioche ce roman ?
Malgré un manque d'unité stylistique (ça commence comme du Christine Angot, avec des phrases courtes, très courtes, pour terminer de manière plus fluide ou classique) et cette idée, par forcément mauvaise, de changer de narrateur à chaque chapitre, mais obligeant le lecteur à s'interroger sur l'identité de la personne qui parle, au lieu de se laisser prendre par le texte, je ne regrette nullement cette lecture.
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