Je suis doué d'une sensibilité absurde, ce qui érafle les autres me déchire

Ce n'est pas un roman. C'est un couteau qui s'enfonce jusqu'au manche dans un cœur qui éclate. C'est un trait d'archer qui dérape sur un violon volontairement désaccordé, un échange étrange et distant entre deux entités qui se comprennent mal, qui jouent à se faire souffrir en pensant à leurs abîmes respectifs :



  • Lecteur perdu, petit enfant sans prise dans un océan haineux de
    mots provocateurs qui dénoncent et qui pleurent.

  • Huston ? Névrosée mais fière, touchante, arrogante. Femme qui parle,
    qui parle d'elle et des autres femmes, qui rêve un peu et qui souffre
    peut être, un peu, beaucoup, à la folie...


Instrument des ténèbres est l'histoire d'un autre livre à l'intérieur, c'est une oeuvre méta. Le bouquin est sous tendu par un moi intérieur démoniaque qui s'extirpe de l'auteur en pavanant avec ironie. Une écrivaine se croit vamp sensuelle et s'engage dans une danse serrée avec le diable qui habite son âme torturée ; frustrée de son incomplétude, de son labeur, fantasmant un génie créateur tout puissant, elle nous tend la main. Sa vie est esquissée par une multitude de souvenirs hétéroclites, rejaillissements aussi fugitifs que brutaux qui lestent tous d'un poids bien particulier l'espace mental fracturé de la cinquantenaire. Que dire de l'objet de son travail, de la fable dont elle ne nous parle pas, qui se love entre les lignes ? La sonate de la résurrection, cette substantifique moelle nous est offerte en témoin privilégié, nectar réservé à un lectorat invisible à la diégèse. C'est davantage une parabole, un constat désespéré qui se déploie chronologiquement, du début à la fin, sans ellipse, sans analepse, sans intervention du méta-narrateur. Sa conclusion pose beaucoup de questions. Faut-il voir cette histoire comme un joyau de pureté, le seul enfant de la méta-narratrice, la seule chose sacrée à ses yeux ? La fin serait-elle donc une porte de sortie, un échappatoire sacrificiel sur l'autel duquel elle ne peut se résigner à faire couler le sang de son héroïne ? Tragédie ouverte ou pas, son atmosphère reste celle d'une détresse offusquée au féminin.

Créée

le 10 sept. 2016

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