J'avais bien aimé le film, avec la réserve toutefois que je partageais aussi l'avis de bien des gens sur l'inconscience folle du sympathique idéaliste. Cela m'avait plus choqué que charmé, ce beau film de Sean Penn.
C'est donc en connaissance de cause que je me suis attaqué au livre de Krakauer, curieux d'en savoir plus sur cette sinistre aventure. Et je m'en félicite car une fois le livre fermé, ce n'est pas un sinistre fait divers qui nous reste en tête mais bien une belle aventure personnelle et audacieuse.
Le livre n'est pas une biographie. On apprend beaucoup de choses sur le personnage de MacCandless, mais le travail de journaliste de Krakauer s'arrête dieu merci avant toute psychanalyse de pacotille(dont il se moque gentiment d'ailleurs) pour en rester aux faits et aux témoignages. Cela n’empêche pas de sentir se développer chez soi et chez le journaliste une sympathie naturelle pour ce jeune homme dont la personnalité était manifestement assez magnétique.
Krakauer ne recherche pas l'objectivité et le dit franchement en exergue, ayant lui-même des affinités avec le type de fascination qu'a connu McCandless pour la Nature. L'auteur va aller jusqu'à mélanger son travail journalistique avec des détails autobiographiques, et notamment sa propre expérience du dépassement par le risque (il est un grimpeur confirmé).
Un aspect très intéressant de l'ouvrage se trouve d'ailleurs dans les chapitres consacrés à d'autres hommes qui ont cherché le même type d'isolement que McCandless, et qui ont souvent trouvé la mort en conséquence... On sent que, sans vouloir juger ces personnes, Krakauer se pose des questions personnelles sur cette quête partagée par des hommes jeunes en rupture avec la société, ou, comme il le suggère dans son propre cas et dans le cas de McCandless, en rupture avec la figure paternelle.
On retiendra l'histoire navrante du photographe qui se fait déposer dans le Grand Nord en avion, mais oublie d'arranger un rendez-vous pour son retour... :-(
On ne peut que regretter le sort misérable de McCandless (Krakauer ne nous épargne rien), mais ce beau livre nous rend surtout palpable et émouvant l'idéal de liberté qui animait ce personnage hors du commun, qui loin d'être suicidaire, réalise sur le tard que tout bonheur ne peut être vécu que partagé et qui a succombé sur le chemin de retour, alors que peut-être il tournait le dos à la solitude.
Un très bon livre, donc, dont l'argument n'est point d'excuser l'inconscience de son héros mais vraiment de célébrer son extraordinaire amour de la vie. Chaudement recommandé !