Lecture troublante que celle de ce roman ! Je vais toutefois essayer de vous en rendre compte au mieux.
Tout d'abord, et ce dès les premières pages, on ne peut que s'incliner devant la virtuosité de la plume d'Auster. Les mots sont puissants, évocateurs tout en restant légers et digestes, une efficacité qui ne retire rien au plaisir procuré par les phrasés ; une partition accessible mais jouée par un virtuose.
Sans en faire trop j'ai rarement adhéré à un style travaillé aussi rapidement qu'avec Auster, chapeau.
La forme narrative elle aussi elle a quelque chose de magique, d'époustouflant, elle est à elle seule justification à lire ce roman.
Auster joue de la mise en abîme, navigue d'une forme de narration à une autre entre les différentes parties du roman : narration du personnage central à la première personne pour commencer, puis nouveau narrateur et échange épistolaire avec le premier personnage, nouvelle narration du narrateur premier sous forme de biographie et qu'il décline sous le je, le tu puis le le il...
Un sacré exercice et un exercice admirablement réussi.
Malheureusement le fond lui m'a moins séduit. La trame sur plus de 30 ans, le personnage de Born et le remord quasi-permanent du narrateur m'ont quelque peu laissé de marbre. J'ai trouvé le tout un peu "trop" pour être crédible, jusqu'à l'insertion des scènes d'inceste qui, bizarrement, loin de me choquer m'ont parue inutiles, uniquement vouées à donner un côté décadent et vendeur à l'ensemble.
Les dialogues mal indiqués dans l'édition ont également gênés ma lecture, on différencie mal par moment les pensées des paroles échangées.
Auster est un grand écrivain de mon point de vue, mais même si sa forme suscite mon admiration je suis un peu passée à côté de ce roman. J'ai survolé les personnages sans vraiment y croire, ne me suis pas laissée prendre au jeu de cette rencontre entre un jeune étudiant et ce "monstre" énigmatique...
J'ai lu avec plaisir, mais pas pleinement !