Iochka est un livre extraordinaire, porté par une plume magnifique, derrière laquelle on sent le traducteur roumain de Proust.
Une ode au silence, au milieu du fin-fond de la Roumanie rurale (post)communiste, au cœur d'une vallée du miracle socialiste, construisant une ligne de chemin de fer n'allant nulle part, où les rebus et les paumés se retrouvent, derrière la barrière qui délimite le chantier. On y construira aussi un asile dont on distingue mal qui est du bon côté de son enceinte, si tant est qu'il existe un côté à la vie. Le décor est planté.
Tout y est vie pesante, contemplative, silencieuse, charnelle et écrasante. Un puissant souffle de vie s'éventant par les branchages les plus absurdes de l'existence.
Une brise passant par une vision du monde qui n'est plus dans les faits, mais dont les sédiments restent, par la beauté épuisante et sauvage du rut, par le vent silencieux et puissant de l'absence, de la mort.
Rien ne finit, tout est voué à ne plus être. Fulaş nous transporte dans ces mondes qui ne finissent jamais d'être entre deux, entre multiples fragments d'un microcosme foncièrement éclaté et sauvage ne communiquant que par hasard avec le macrocosme illusoire du réel.
Une belle claque, et une mention spéciale à la magnifique traduction française, rendant hommage à une plume proustienne, qui se serait perdue dans un naturalisme lyrique chantant un monde pourrissant, dégénéré, qui a vécu les années Ceausescu comme les pierres et les ruisseaux vivent les événements.