Israël Potter, le garçon qui a survécu

Parmi les romans avalés par la notoriété baleinière de Moby Dick, nous voici en présence non pas du cousin caché d'un non-moins célèbre sorcier, mais de l'unique personnage historique dont Melville s'est approprié l'histoire : Israël Potter, soldat plus ou moins volontaire dans le monde de la guerre d'Indépendance américaine, survivant à la bataille de Bunker Hill, erre sur les terres menaçantes de la perfide Albion.


Ce roman est passé à deux doigts d'être une déception: lorsque Melville l'écrit, il essuie encore l'échec des ses derniers romans, Moby Dick et Pierre. C'est donc dans une optique essentiellement financière que le roman est publié en feuilleton. Il multiplie d'ailleurs les péripéties, ce qui fait écrire au préfacier de mon édition qu' "on ne trouve pas, assurément, dans Israël Potter la puissance symbolique de ses grands livres". Mon oeil !


Ce roman est en réalité un petit bijou caractérisé par une narration souvent simple, il est vrai, couplée à des mises en scène on ne peut plus symboliques et percutantes. Dans ce roman vous trouverez:
- toujours l'obsession de cette blancheur menaçante chère à Melville
- toujours l'obsession très américaine également de la claustrophobie européenne face aux espaces infinis de la wilderness
- cette curiosité marquée pour l'ironie du sort (notre exilé trouve du répit contre ses poursuivants anglais dans les jardins même du roi, s'improvise vendeur de chaises ambulant ...)
- Benjamin Francklin comme vous ne l'aurez jamais lu en sage épicurien et philosophe pessimiste ...
- ... radicalement différent de l'optimiste capitaine Paul Jones, "marin de l'univers" ; Dieu sait si Melville réussit ses personnages de capitaine !
- des réflexions shakespeariennes sur l'existence en tant qu'individu ou simple rêve dans des avatars aussi étonnants qu'un déguisement en épouvantail (une scène particulièrement drôle où un fermier assiste au déplacement sous ses yeux de son épouvantail !) ou qu'un bateau-cosmos dans lequel Israël s'est faufilé discrètement sans parvenir à trouver sa place, sa "destination finale" (je vous raconterais bien cette scène sublime mais c'est compliqué sans être long, alors foncez plutôt la lire, particulièrement si vous êtes fan de Beckett, c'est le chapitre 20 !)


Ainsi je recommande ce livre à tous les amateurs de romans d'aventures à tendance réflexive (en particulier ceux qui ont aimé Les Aventures d'Arthur Gordon Pym de Poe), mais aussi à ceux qui ont des gamins à qui ils veulent proposer des romans d'aventures intéressants pour mettre un pied dans la littérature ou encore à ceux qui veulent se lancer dans la lecture en anglais avec des œuvres stylistiquement simples (pour le vocabulaire, on repassera, Melville a toujours ce chic pour trouver les mots les plus rares).


Ce livre comporte l'unique défaut d'être difficile à trouver à bon prix tant ses éditions sont rares, mais il ne tient qu'à nous de le lire et de le partager pour que ça change !

Créée

le 16 août 2016

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Kalistos

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