De 1994 à 2020, Milan, métis franco-rwandais, nous raconte tous les cinq ans un peu plus de sa vie et nous fait partager sa découverte du Rwanda. Du génocide des Tutsi à la pandémie Covid, il/on apprend à connaître l'histoire de ce pays à travers les récits de vie de plusieurs générations de femmes et d'hommes (Rosalie, Eusébie, Claude, Alfred...).
C'est un roman intense et profond dans lequel on plonge comme dans le lac Kivu, émouvant, déchirant, qui nous écrase la poitrine et nous prend à la gorge.
Comprendre l'histoire d'un pays et d'une société à travers des récits de vie individuels, c'est quelque chose qui m'a fascinée. Est-ce que ce n'est pas cela qui compte vraiment finalement ? Ce qu'on vit concrètement, l'impact réel que ça a sur nos jours. Ces récits personnels ne sont-ils pas par ailleurs les seuls à nous permettre, nous dont ce n'est pas l'histoire de nos aïeuls, de compatir profondément et avec force ? De souffrir avec.
Le Jacaranda est un symbole de mémoire (la mémoire des arbres, le gardien des morts), dans lequel Stella se réfugie pour se rapprocher de ce passé qu'elle n'a pas connu mais qui semble omniprésent pour tous. De la même façon que Milan se raccroche au Rwanda. Que penser alors de la chute de l'arbre ? L'auteur semble vouloir insister sur l'importance de se souvenir, mais aussi d'avancer. Ne pas oublier, ne pas pouvoir pardonner, mais apprendre à partager la vie suivante. Ensemble.
Je finirai en citant un passage que je trouve magnifiquement écrit et dont je souhaite me souvenir car il se rapporte à mon quotidien :
"L'hôpital est un bateau de nuit qui recueille l'humanité du fond du gouffre, les grands brûlés de l'effort de reconstruction, les éreintés des pressions familiales, les épuisés des conventions sociales, les déserteurs de la grande comédie humaine. Mais il abrite surtout ces ombres engourdies qui s'excusent d'être encore, ces âmes errantes qui vivent dans des contrées sans lumière, coquilles humaines pleines de tourments et de cauchemars impossibles à guérir."