Bon nombre de personnes m'avaient dit que Jane Eyre surpassait Orgueil et préjugés, et que le premier avait dépassé le second dans leur panthéon personnel. Force m'est de constater que durant le premier tiers du roman je ne voyais pas quels pouvaient être les arguments pour étayer de tels propos. Il s'était écoulé très peu de temps depuis que j'avais rangé l’œuvre de Jane Austen dans ma bibliothèque lorsque j'entamai celle de Charlotte Brönte, et la magnificence de l'écriture de la plus vieille des deux auteures était encore bien présente à mon esprit ; magnificence que je ne retrouvais pas dans celle de la plus jeune. Je prenais un réel plaisir à parcourir les péripéties du personnage éponyme, mais je ne retrouvais pas le niveau de transcendance qui m'avait subjugué dans l'histoire tumultueuse d'Elizabeth Bennet.
Et puis, lorsque vint le moment de refermer ce livre et de me retourner sur son histoire, je me suis dit : « waouh ! » D'accord, l'écriture de Charlotte Brontë n'est pas aussi adamantine que celle de Jane Austen – nous sommes d'accord que je chipote là, l'écriture de Jane Eyre est d'un niveau exceptionnel –, mais, concernant l'histoire, Charlotte surpasse allègrement Jane – je chipote toujours, l'histoire de Orgueil et préjugés étant éminente. Que de rebondissements, que de nœuds dans l'intrigue, que de personnages délicieusement croqués !
Ce roman est dense, et c'est une réelle qualité car cela permet de rester un long moment immergé dans cette histoire que l'on n'a pas envie de quitter. Je suis triste d'en avoir terminé avec Jane Eyre ; je suis triste de quitter cette orpheline aux qualités humaines rares et à la gentillesse paroxysmique ; je suis triste que le roman n'ait pas, malgré sa densité, quelques centaines de pages supplémentaires.
Un chef-d’œuvre de plus pour la littérature anglaise du XIXe siècle !