Adorateur des mots et de la poésie fine, Jean Philippe Jaworski est une des plus belles plumes de la fantasy contemporaine, s'affirmant avec une aisance naturelle dès son premier recueil de nouvelles : Janua Vera.
Il y dépeint, au travers de courts récits, les tribulations tantôt spirituelles, tantôt guerrières et tantôt amoureuses qui agitent les habitants de cet ancien mirage que fût le Vieux-Royaume. Un ancien royaume, traversé par une histoire riche, allant des abords de Bourg-Preux jusque dans les ruelles méridionales de Ciudalia, et se dévoilant au travers des personnages l'ayant forgé.
Pas d'apparitions fantastiques à outrance dans ce recueil, mais bel et bien une époque médiévale retranscrite avec force détails et passion du matériau, dont les histoires gravitent toutes autour de cet endroit chargé d'histoires, de guerres et de légendes oubliées. Bien sûr, la fantasy n'est jamais bien loin, et certaines créatures et phénomènes fantastiques font parfois une entrée discrète dans le récit.
Avec une maîtrise totale de son sujet, Jaworski manie la langue française avec tant de grâce qu'il nous fera passer des larmes au rire discret tout au long de notre lecture. La grande force ici de ces histoires résident avant tout dans les canevas introspectifs des personnages, chacun étant confronté à l'âpreté d'une existence de combat, de douleur, de trahison, d'assassinat, d'amour lointain... Il n'est jamais mentionné à quelle époque se passe telle ou telle nouvelle, mais des indices parsemés avec minutie permettront au lecteur attentif de se concevoir une chronologie des événements relatés.
Chaque histoire est maîtrisée de bout en bout, et aucune pour prétendre au titre de numéro 1, tant elles explorent toutes des points de vue variés, prenant place dans des lieux l'étant tout autant. Quand on découvre avec tendresse l'histoire de Suzelle, on s'émeut de cet amour rêvé qui transite à travers les années de sa vie. On y découvre une jeune fille prise dans les affres d'une existence médiévale compliquée, et étant née femme, devant aussi se plier à mettre certains rêves sous clé.
Quand l'assassin Don Bevenutto arpente les ruelles de Ciudalia à la recherche d'une issue pour échapper au complot ourdi contre lui, on est vissé sur notre siège face à la tension permanente qui l'habite, lui et sa malchance. L'humour s'invite dans l'histoire par les descriptions amusantes de l'assassin, et laisse présager un récit divertissant, rythmé et comique.
La liste serait longue, car l'histoire du Vieux Royaume s'étale sur une période si longue que Jaworski ne prend jamais la peine d'essayer de donner une origine tangible à ce lieu où cohabitent tant d'histoires charnières. Mais sachez simplement qu'après avoir lu Janua Vera, on se dit qu'on ne retrouvera jamais pareil diamant d'écriture dans l'univers de la fantasy.