Après le Chili de 1973 et les tavernes mal famées de Tatooine, il est un autre espace-temps qui m'est aussi familier que les allées de mon supermarché local (avant qu'ils ne déplacent tout pour le rayon bio ou les saloperies en plastoque d'Halloween) : celui de la Guerre Civile espagnole. Je ne compte plus les ouvrages que j'ai avalés sur la question (vedette : Hommage à la Catalogne, d'Orwell). Ou les films vus (vedette : Land and Freedom de Ken Loach). Voire les BD dévorées (Vedette : El arte de volar). Je pensais donc avoir un peu fait le tour de la question et que rien ne pourrait faire figure de pièce manquante dans un puzzle déjà passablement complété. Mais la voix singulière de Gelín, jeune protagoniste des événements funestes qui frappèrent l'Espagne en 36, a su me faire changer d'avis. Parce que l'auteure a su rendre son histoire unique et attachante. Évidemment, c'est celle de son père, Angel Alcalá Llach; elle était bien placée pour restituer la chair de cette histoire à hauteur de jeune homme. La richesse de la reconstitution ne peut que charmer. Tout y est : odeurs, sons, sentiments juvéniles restitués avec ce qu'il faut de distanciation souriante, même au cœur d'un combat dramatique et perdu d'avance. Bref, une lecture plaisante et édifiante, qui prend position contre le durcissement des cœurs, qu'ils soient fascistes ou simplement indifférents, comme celui de la France de cette époque... de notre époque ? Bref, une lecture salutaire pour tous ceux qui auraient la mémoire un peu courte et le verbe un peu expéditif quand il s'agit de l'accueil des souffrances étrangères ou de la nécessité de soutenir les engagements généreux d'autres, moins encroûtés que nous...