Je ne suis pas Charlie (Je suis Vaquette) est un court texte écrit dans la foulé des attentats de Charlie Hebdo, tentant de revenir avec lucidité sur ce qui a posé problème dans le traitement de ces événements. Porté par une écriture, certes vindicative, mais évitant de tomber dans l'aigreur, ce texte met en exergue l'immense hypocrisie qui a suivi ces épisodes bouleversants et interroge sur les causes profondes qui ont pu mener à de telles extrémités.
Je ne sais pas si on peut lire ce texte sans s'interroger sur ses propres sentiments de l'époque. Je n'ai pour ma part pas pu.
Je me rappelle encore où j'étais quand les nouvelles ont commencé à m'arriver.
Je me rappelle dans quel état de stupeur je me suis retrouvée.
Je me rappelle avoir été Charlie sans y réfléchir vraiment, réagissant avec émotion, en étant incapable d'avoir le recule nécessaire sur les choses.
Je me rappelle ne pas avoir marché... ne pas avoir compris ce cortège de puissants, mais avoir cependant été émue par les rassemblements d'anonymes.
Je me rappelle ne pas m'être réjouie du tout de la mort des frères Kouachi comme je ne me réjouie jamais d'un assassinat quel qu'il soit.
Je me rappelle d'un sentiment de malaise constant.
Je ne sais pas comment j'aurais reçu le texte de Vaquette au moment de sa sortie. Il aurait sans doute été trop tôt. Si j'ai pu sentir à l'époque comme une odeur de manipulation dans l'air, j'étais trop en proie à mes émotions pour raisonner correctement. Bien sûr, avec le recul, 5 ans après les faits, et à présent que cet événement, entre autre, a servi de prétexte à voter de plus en plus de lois liberticides, il m'est impossible de ne pas pointer les mensonges servis à ce moment là.
Vaquette les égraine tous, sans rage, mais avec la perspicacité provocatrice qui émane de chacun de ses écrits. Si cette histoire est idéale pour qu'il aborde en profondeur son sujet de prédilection (la défense de la liberté d'expression, pour ceux qui ne suivent pas), il propose également une analyse extrêmement avisée des ressorts sociétaux ayant abouti à cette situation, et de l'instrumentalisation qui en a été fait.
Il se fait alors la voix de ceux qui ne réduisent pas ces attentats à un problème de caricatures. De ceux qui ont rejeté le détournement d'un mouvement à des fins de propagation de la peur, et donc, de plus de contrôle. De ceux qui, décidément, ne pouvaient pas se sentir Charlie, quand c'est le contraire même de l'esprit originel du journal.
Cri du cœur écrit avec discernement, plaidoyer libertaire, ce texte entre en parfaite résonance avec la situation sanitaire actuelle, dans ce que la crainte qu'elle inspire sert de prétexte pour restreindre toujours plus les droits fondamentaux.
Il n'en a été que plus savoureux...
A noter qu'il est suivi de deux "bonus" de quelques pages chacun :
Mon éditeur est un enculé, dénonçant allègrement l'hypocrisie qui règne dans un certain milieu de l'édition (pour connaitre un tant soit peu ce milieu, il cogne oui, mais plutôt à raison !)
Vaquette fait la manche, texte écrit sur la page d'appel au don de l'auteur, permettant d'aborder le sujet de la valeur morale et sociétale du travail d'un artiste.
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