Les toutes premières pages de "Je suis Pilgrim", accrocheuses, plutôt bien écrites (ou peut-être bien traduites ? J'ai lu le livre en français, ce qui peut être une erreur...), laissent espérer un livre énorme, peut-être une version grand public des thrillers géniaux de John Le Carré (comme la publicité le laisse entendre...). On déchante malheureusement vite, "Je suis Pilgrim" n'est que l'un de ces polars "de gare" standards comme en produisent les USA par dizaines chaque année, basé sur une écriture purement utilitaire (non dénuée de maladresses d'ailleurs, comme ces trucs à répétition laissant entendre qu'il va se passer quelque chose, que le héros a commis une erreurs, etc.), une construction narrative manipulatrice visant à créer ces fameux "cliff hangers" qui encouragent une lecture rapide. Si le "petit plus" cette fois est l'ancrage de l'intrigue dans un contexte politique international pertinent (les menaces que représentent le terrorisme moderne couplé à la globalisation et la disponibilité instantanée de l'information, la place de la Turquie sur l'échiquier géo-politique, etc.), il est rapidement balayé par l'invraisemblance croissance de l'intrigue et l'accumulation de coïncidences bien pratiques, qui finissent dans la dernière partie du livre par "démobiliser" le lecteur fatigué d'avaler de si grosses couleuvres pour que le récit avance. Le pire est néanmoins la célébration permanente de la suprématie morale et technologique des Etats-Unis, et les nombreuses attaques véritablement racistes au premier degré (contre les Arabes bien sûr, mais aussi contre les Albanais, les Suisses, etc.), d'une agressivité rare dans la littérature grand public ou non. Du coup, même si "Je suis Pilgrim" est addictif et ne manque pas d'efficacité, on le referme sans regret, et même avec quelques remords de lui avoir consacré tant de temps. [Critique écrite en 2015]