Un superbe roman où l'auteur écrit le récit de Pauline Dubuisson, une femme qui a tué son ex-fiancé juste après la Seconde guerre mondiale. Comment raconter l'histoire d'une meurtrière ? Jean-Luc Seigle le fait avec brio : la narratrice écrit à son nouvel amour, pour lui expliquer son histoire. Elle espère, en ayant recours à l'écrit, montrer que l'image qu'on a dépeinte d'elle est fausse - même si Brigitte Bardot a joué son rôle dans le film La Vérité, inspiré de l'histoire de Pauline Dubuisson.
Absolument pas pathétique, on touche ici à la construction psychologique de la femme : le rôle du père, les injonctions sociales et la manière de leur faire face, les jugements des autres, dans une société où la femme est dominée par l'homme et bien loin de réussir son émancipation.
Ce roman nous parle des effets de la prison sur une vie, du désir de liberté et de la peur que la liberté engendre. Il nous montre aussi comment une société fait d'un crime passionnel, inattendu, un meurtre de sang froid, calculé par une femme qui serait manipulatrice et foncièrement mauvaise. L'approche est souvent anatomique et ces images sont fortes :
"Ma vie n'était plus qu'un cadavre [qu'ils] manipulaient comme s'ils
pratiquaient à la différence près que les médecins légistes gardent
envers ke mort une sincère considération".
L'écriture est belle tout en restant simple. De très beaux passages sur la poésie, mais aussi sur le pouvoir de la littérature sur nous — ici on parle de Crime et châtiment. Une belle lecture, qui n'est (pas trop) déprimante.
En somme, le récit à la première personne d'une femme qui lutte avec ses démons et avec son temps, très réussi, sans jamais tomber dans le pathos.