Où est-elle La vérité ? Pas dans le film éponyme tourné par Clouzot avec Brigitte Bardot dans le rôle d'une femme condamnée à mort puis graciée dans les années 50 pour avoir tué son ex-fiancé. Un film, pas le meilleur de Clouzot, qui s'inspirait de l'affaire Pauline Dubuisson qui avait défrayé la chronique quelques années auparavant. Dans Je vous écris dans le noir, Jean-Luc Seigle revient souvent sur la manière dont son double cinématographique est représenté, dans la continuité de l'image de garce froide et hautaine que les médias et la justice avaient donné d'elle. Le livre est tout simplement bouleversant. En utilisant le "Je", en se coulant dans la peau de cette femme blessée, bafouée et humiliée par toute une société bien pensante et embourgeoisée, l'auteur livre une confession poignante qui nous rend proche cette malheureuse héroïne, moins victime de ses fautes (et il y en eut de graves) que de l'opprobre populaire et de la haine de ses contemporains. Tondue et violée à la Libération par des épurateurs sans foi ni loi, Pauline Dubuisson est "morte" avant d'avoir dix-huit ans. Bien entendu, le livre de Jean-Luc Seigle est un plaidoyer, c'est un roman et c'est la vérité de cette coupable/victime de laquelle on n'a jamais souhaité entendre la version des faits. Je vous écris dans le noir fait aussi le procès d'une époque, patriarcale et encore traumatisée par la guerre et qui avait trouvé en Pauline un exutoire idéal pour se libérer d'une période où ceux qui avaient les mains sales étaient ceux qui hurlaient le plus fort. Fallait-il en passer par là pour se donner bonne conscience ? Pauline Dubuisson s'est suicidée le 22 septembre 1963. Morte pour de bon, cette fois. Elle repose dans une sépulture anonyme, au Maroc. La voici sinon réhabilitée, du moins rendue à une dignité qui lui a toujours été refusée toute sa vie, et jusqu'à aujourd'hui.