Jean Echenoz signe un hommage à son éditeur tout autant qu'un récit de ses débuts, puisque les deux furent intimement liés. Jérôme Lindon se révèle un homme imprévisible, possessif (pas question de publier chez un autre éditeur), capable de la plus grande froideur tout autant que d'encouragement et de fidélité. Quel pseudo adopter ? Quel titre pour chaque roman ? Echenoz nous raconte les hésitations autour de ce qui deviendra finalement L'équipée malaise.
D'abord impressionné par la stature de l'homme, Echenoz va faire son trou. Congédié comme un malpropre pour un tapuscrit qui n'eut pas l'heur de plaire au patron, finalement rappelé par Lindon après quelque temps, il acceptera de revenir. Dans la gloire puisqu’il décrochera un Goncourt, le Graal de tout éditeur.
C'est enlevé, empreint de l'humour qui caractérise souvent notre auteur. Vite lu évidemment, puisque le texte n'atteint même pas les 100 pages. Un agréable moment, qui démystifie un peu la figure du grand éditeur. Bien aimé en particulier le passage consacré à la ponctuation, lorsque Echenoz raconte les débats sans fin sur la nécessité ou non d'une virgule à tel endroit. Baudelaire, déjà, disait qu'on pouvait retoucher ses textes mais qu'il ne fallait pas changer une virgule. Ce n'est pas pour rien que l'expression existe. L'art de la ponctuation a tendance à se perdre, si j'en juge par mes lectures d'auteurs récents. Jérôme Lindon doit se retourner plus souvent qu'à son tour dans sa tombe. On aimerait aussi connaître son avis sur les auteurs récemment arrivés chez Minuit...